Ségolène Royal étonne autant à droite qu’à gauche. Sa stratégie pour la primaire : aller partout, surtout où les autres candidats ne vont pas.
« A Ségolène ? On lui fait des bisous !”, rit un aubryste. Une petite blague, certes. Mais qui en dit long sur le climat qui règne au PS. Pas question de vexer la présidente de Poitou- Charentes en cette fin de primaire. Aujourd’hui concurrente dans la partie, qui sait quel rôle elle jouera demain ? Certains imaginent déjà qu’elle pourrait se rallier à Martine Aubry contre son ex-compagnon François Hollande. Mais chez le favori des sondages, on échafaude d’autres scénarios pour contrer Aubry. Dès lors, pas question d’attaquer l’ex-candidate à la présidentielle de 2007 :
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“On n’a aucune raison d’être virulent avec elle, au contraire”, reconnaît-on, sourire en coin. “Ségolène Royal fait plus de stratégie qu’elle veut bien le dire, commente un cadre du parti, elle regardera où est son intérêt au second tour.”
Dans l’attente du match retour depuis 2007
Chez Ségolène Royal, on rit. Mais alors, on rit ! “Elle sera première au premier tour”, clame-t-on. Bon OK, peut-être y aura-t-il un second tour, mais de toute façon, le match ne se jouera pas sans elle. Elle est comme ça Royal, elle n’en démord pas. Tout le monde la met de côté, a fortiori après le premier débat télévisé entre les candidats à la primaire, sur France 2, où elle est apparue étonnamment effacée. Elle, pourtant, veut jouer au centre.
Depuis 2007, elle attend le match retour contre Nicolas Sarkozy et pas question de se faire piquer sa revanche. Elle a construit patiemment le chemin de la victoire qu’elle voit inéluctable. Meetings de campagne, visites sur le terrain, déplacements dans les quartiers, universités populaires participatives, tout est bon. Même l’accueil, comme en ce 9 septembre à Sartrouville (Yvelines) dans la cité des Indes. Une nuée d’enfants la suit telle une volée de moineaux, la dévorant des yeux. “Ils sont très respectueux !”, lance-t-elle, ravie d’avoir une telle cote de popularité. Ce serait simplement l’effet télé pour certains de ses “camarades” qui pensent, à l’instar de Manuel Valls, que Nagui produirait le même effet ! Pourtant, sur place, les habitants sont séduits de voir un politique venir à leur rencontre.
“Ça fait vingt ans que j’habite ici, je n’en avais jamais vu. Même pas le maire !”, raconte une mère de famille. “Au moins, Ségolène est venue nous écouter, confie un habitant qui raconte son quotidien près d’une grande tour bétonnée sans charme. Rien que pour ça elle a gagné quatorze voix dans ma famille.”
Très sereine… ou complètement aveugle
Pour Royal, pas question de délaisser les quartiers populaires qu’elle a sillonnés telle une marathonienne : huit déplacements pour la seule Ile-de-France en quarante-huit heures à moins d’un mois du premier tour de la primaire. “Si les catégories populaires ne vont pas voter, le candidat de la gauche ne sera pas au second tour de la présidentielle !”
Et tant pis si les sondages sont mauvais, répond la candidate. La raison est simple selon elle : ils ne prennent pas en compte “les petites gens”. Tout s’explique donc… “Au moins, comme ça, on me laisse tranquille, s’amusait-elle auprès des Inrocks avant l’été. Puis je me dis que dans toutes les histoires, il faut bien des surprises !” Et d’ajouter à l’université d’été du PS à La Rochelle : “J’ai prévenu mes équipes de ne pas se décourager, il ne faut pas s’attendre à voir les sondages remonter. Mais il faut continuer à travailler.” Très sereine, se dit-on. Ou complètement aveugle.
Bûcher, sillonner le terrain, Royal ne s’arrête plus, forçant l’admiration de ses compétiteurs. “Elle est bluffante”, reconnaît un de ses soutiens en 2007 passé aujourd’hui chez Hollande.
“Elle a fait de considérables progrès par rapport à la dernière campagne, tant sur le fond où l’on sent qu’elle a bossé ses dossiers, que sur la forme. Elle pose mieux sa voix et fait plus de gestes, ce que n’arrive pas à faire Martine”, décrypte un proche d’Aubry.
Fini les envolées dans les aigus ou les discours les mains le long du corps, Royal maîtrise la gestuelle. Au moins dans ses meetings, car pendant le débat sur France 2, on a retrouvé la candidate de 2007, tendue, butant sur des mots, parfois confuse dans ses explications.
Le soir même devant ses troupes, pourtant, elle savourait. Comme depuis plusieurs mois. “J’ai fait beaucoup de progrès dans la communication avec la salle par rapport à 2007, grâce à l’expérience, confiait-elle en mai. C’est dans la liberté qu’on devient meilleur. En 2007, j’étais dans la contrainte de la campagne. Je n’avais pas l’habitude de parler dans des salles devant des milliers de personnes. Quand on porte le destin d’un peuple, on a le souci de faire bien les choses. On a peur de faire une erreur, donc un bide. C’était à la fois un immense bonheur de faire cette campagne mais tellement angoissant : à chaque étape, il fallait réussir.” Et d’ajouter, libérée de toute pression extérieure : “Là, je ne prends de risques pour personne d’autre que moi.”
Une candidature trop datée
Même chez les proches de Nicolas Sarkozy, on en reste bouche bée : “Elle est incroyable, elle a un talent, un culot !” Comme d’entrer, lors de son meeting à Montreuil mi-septembre, sur Simply the Best de Tina Turner. Façon prophétie autoréalisatrice. Elle aime d’ailleurs rappeler la leçon de François Mitterrand : “La victoire, personne ne vous la donnera. Vous la forgerez de vos mains.” Sauf que chez ses concurrents, on pense qu’elle a perdu la main. Que sa candidature est trop datée, qu’elle fait trop 2007 :
“Elle est trop liée à un moment, et ce moment ne correspond plus à aujourd’hui. On n’est plus dans la rupture. On est dans quelque chose de plus calme”, veut croire un soutien de Hollande. “Or, elle utilise les mêmes thèmes de campagne et les mêmes mots qu’il y a quatre ans.”
Comme “Chaque euro dépensé doit être un euro utile”. Un leitmotiv de ses discours. Ou l’encadrement militaire des jeunes délinquants aujourd’hui repris par Nicolas Sarkozy. Pour elle, la preuve qu’elle avait raison avant tout le monde.
Jamais froid aux yeux, c’est la règle. Ainsi quand elle insiste dans Le Figaro sur le point faible de ses principaux concurrents : “l’inaction” pour François Hollande, “l’inexpérience” électorale pour Martine Aubry. Grave erreur tactique que d’avoir balancé des petites phrases, commentent les soutiens des deux gros poissons.
Alors Royal l’a joué ultracollectif sur France 2. La où on ne l’attendait pas. En femme d’Etat, répètent en boucle ses proches. Convaincus que depuis 2007 elle travaille plus pour gagner plus.
Marion Mourgue
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