En Egypte, l’action non violente du Mouvement du 6 avril a largement contribué au départ de Moubarak. Un modèle de révolution pacifique qui trouve son inspiration chez les jeunes Serbes qui contribuèrent à la chute de Slobodan Milosevic.
Un poing levé. A la fin des années 1990, c’est ce logo que de jeunes Serbes choisissent pour leur mouvement, Otpor ! (Résistance !). A l’époque, ils découvrent le SMS comme outil de mobilisation des foules, et luttent contre le régime de Slobodan Milosevic. Dix ans plus tard, les Egyptiens du Mouvement du 6 avril, las du règne d’Hosni Moubarak, affichent le même poing sur leur page Facebook. Serbes, Egyptiens, même combat ?
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Octobre 1998. Srdja Popovic, 25 ans, retrouve d’autres étudiants dans un café de Belgrade. Depuis des mois, ils manifestent contre le régime, en vain. Ils créent alors Otpor ! et inventent de nouvelles formes de mobilisation. Sur un baril d’essence, ils peignent la tête de Milosevic : en échange d’une pièce, les passants peuvent la frapper. A la police, ils apportent fleurs et gâteaux. Le mouvement joue un rôle crucial jusqu’à la chute du président serbe, deux ans plus tard.
Eté 2009. Mohamed Adel, 20 ans, passe une semaine à Belgrade. Ce bloggeur égyptien est l’un des fondateurs du Mouvement du 6 avril, né dans le sillage des révoltes ouvrières de 2008. En Serbie, Mohamed Adel découvre comment diriger des manifestations pacifiques ou faire face à la violence policière.
« Il apprend à organiser des mouvements populaires non plus sur un ordinateur, mais dans la rue, raconte la journaliste Tina Rosenberg dans Foreign Policy. Plus important encore, il apprend à former d’autres activistes. »
Tel est bien l’objectif principal d’Otpor !, devenu Canvas, Centre spécialisé dans l’action et la stratégie non violente : mettre à disposition de militants prodémocratie des outils pour mener leur combat. La révolution des roses en Géorgie, la révolution orange en Ukraine.
Depuis 2004, l’ONG a travaillé avec des activistes de trente-sept pays et le livre La Bataille non violente – 50 points fondamentaux a été téléchargé plus de 20 000 fois au Moyen-Orient. La recette d’une bonne révolution pacifique ? Srdja Popovic a la formule : unité, planification et discipline non violente.
L’unité, d’abord : « Au Caire, toutes les organisations ont brandi un même symbole, le drapeau égyptien, constate-t-il. C’était impressionnant ! Sans parler des démonstrations d’unité religieuse place Tahrir. »
La planification, ensuite : dès les premiers jours, la police, l’un des piliers du pouvoir, est débordée. Les syndicats rallient le mouvement, puis les manifestants s’assurent de la neutralité de l’armée, avant qu’elle ne bascule en leur faveur. Enfin, « la discipline non violente, même lorsque le pouvoir a tout fait pour provoquer le chaos, a clairement été l’une des clés du succès », ajoute Srdja Popovic.
Aujourd’hui, il refuse toutefois de s’attribuer quelque mérite que ce soit dans la chute de Moubarak.
« Nous sommes fiers que des Egyptiens aient passé cinq jours à Belgrade ou utilisé des symboles serbes. Mais leur révolution s’est appuyée sur des revendications internes, et non sur les conseils d’experts étrangers. Cette victoire appartient aux jeunes du monde arabe, à 100 %. »
Perrine Mouterde
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