Suite de notre dossier numérique consacré à la « révolution mobile », avec aujourd’hui les jeux mobiles : rendus plus aisés par des touches et des écrans mieux adaptés, ils explosent, servis par l’offre pléthorique d’Apple.
Rolando fut l’un des jeux marquants de Noël 2008. Issu du microstudio Hand Circus, celuici n’est pourtant disponible ni sur PC ni (à ce jour) sur aucune console Microsoft, Sony ou Nintendo. Rolando est l’un des jeux emblématiques de l’iPhone, totalement inédit (même s’il s’inspire graphiquement du tube PSP LocoRoco) et spécialement conçu pour exploiter les fonctions de détection de mouvements du téléphone d’Apple. C’est aussi la preuve éclatante que les mobiles ont aujourd’hui tout pour s’établir comme plates-formes ludiques à part entière.
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La fréquentation des transports publics donne déjà une idée du phénomène : à l’arrière du bus ou à l’arrêt de tram, le voyageur moderne est un gamer qui s’ignore de moins en moins. L’impression est confirmée par les chiffres. En 2008, 17,8 millions de jeux avaient été téléchargés en France par les possesseurs de téléphones portables contre 13,3 millions l’année précédente selon l’institut GFK M2 et NPA Conseil, soit une progression de presque 34 %. Alors qu’en valeur les ventes totales de contenus (sonneries, images, etc.) diminuaient d’un peu moins de 8 %, le chiffre d’affaires des jeux s’est élevé à 77,5 millions d’euros en 2008, en hausse de 37 %. Mieux : selon l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate), le jeu sur mobile devrait rattraper celui sur console portable en 2010 avec des recettes mondiales de 6 milliards d’euros chacun, contre respectivement 3,9 et 4,7 milliards d’euros en 2008.
Flash-back : en 2003, après avoir hypnotisé ses clients avec l’antédiluvien Snake installé en un standard sur ses mobiles, Nokia lance la N-Gage, sa console de jeux qui fait aussi téléphone. A moins que ce ne soit l’inverse, mais une chose est sûre : la convergence est en marche. Sauf que non : mal pensée sur le plan ergonomique, la machine fait un flop, précipitant l’abandon des tentatives d’appropriation par l’industrie des télécommunications du modèle de sa consoeur vidéoludique à base de cartouches de jeux à acheter dans le commerce.
Place donc à la modernité, c’est-à-dire au téléchargement ; N-Gage est d’ailleurs devenu depuis le nom de la plate-forme de distribution directe de Nokia. Ironiquement, ce sont les consoles portables qui s’inspirent aujourd’hui des téléphones : alors que la prochaine PSP de Sony pourrait passer au tout-téléchargement, abandonnant les disques UMD sur lesquels étaient à l’origine stockés les jeux, la nouvelle DSi de Nintendo s’ouvre à la distribution immatérielle. Edité par Gameloft, son premier jeu “premium” téléchargeable, Real Football 2009, est le dernier volet en date d’une série née sur téléphone. Cette explosion du jeu pour mobiles est inséparable des progrès technologiques. La 3D n’est plus une utopie, les touches adaptées ou l’écran tactile permettent une prise en main plus confortable. Et le succès de l’iPhone, vendu à 17 millions d’exemplaires entre sa sortie en juin 2007 et la fin 2008, a considérablement modifié le paysage. Selon une étude de la société américaine Comscore réalisée en novembre dernier, 32 % des possesseurs d’iPhone ont téléchargé au moins un jeu au cours du mois alors que, tous modèles de téléphones confondus, la moyenne n’était que de 3,8 %.
Objet à la fois très chic et plus facile à assumer en public qu’une console, l’iPhone bénéficie surtout d’un catalogue de jeux d’une richesse inouïe sur l’App Store, la boutique d’Apple, qui a fièrement annoncé fin avril qu’un milliard de téléchargements d’“applications” (pas seulement de jeux, donc) avaient été effectués depuis son ouverture neuf mois plus tôt.
“Ce qui est formidable avec l’iPhone, c’est la quasi-absence de barrière à l’entrée, expliquait en avril James Bossert, le créateur de Whack’em All!, au site web Gamasutra. Vous payez Apple pour avoir le droit de développer, et c’est parti. Pas besoin de passer par un éditeur, un agent, une grande compagnie. Avant l’App Store, vous étiez obligé de vous soumettre à un long et pénible processus de validation avec chacun des opérateurs télécom.”
Du coup, on trouve vraiment de tout sur l’App Store : des déclinaisons de hits classiques (Pac-Man, Frogger…) ou modernes (Metal Gear Solid, Katamari Damacy, Puzzle Quest…), d’épatantes créations originales (Rolando, Edge, Dizzy Bee…), des clones plus ou moins légaux de succès d’autrefois et beaucoup de choses inabouties. Grand bazar aux deux tiers gratuit et dont la partie payante (de 80 centimes à 5 ou 6 euros, rarement plus) est une incitation permanente à l’achat impulsif, l’App Store est la caverne d’Ali Baba du gamer voyageur. Revers de la médaille : avec son flot de nouveautés quotidiennes, rien ne garantit qu’un prochain chef-d’oeuvre ne finira pas noyé sous un océan de médiocrité.
Mais l’arbre iPhone ne doit pas cacher la forêt des autres smartphones (les boutiques Nokia et Blackberry ont de faux airs d’Appstore) et des mobiles plus modestes. Ni faire oublier le poids des trois sociétés qui dominent le marché : le Français Gameloft (Prince of Persia, Asphalt, A prendre ou à laisser…), historiquement lié à Ubisoft, et les deux Américains EA Mobile, filiale d’Electronic Arts qui en décline les séries phare (Les Sims, Need for Speed, Spore…), et Glu Mobile (Diner Dash, Qui veut gagner des millions ?…). Alors que les jeux pour téléphones n’ont jamais été aussi proches de la production pour consoles, les éditeurs n’oublient pas le casse-briques, le billard ou les jeux de cartes.
Car si la révolution est en marche, les joueurs nomades ne boudent pas leurs classiques. Malgré tous les Rolando du monde, le jeu mobile le plus vendu en France en 2008 s’appelait toujours Tetris.
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