D’ordinaire peu mobilisés, les étudiants anglais s’opposent actuellement à la hausse aberrante des frais d’inscriptions à l’université. Reportage entre Londres et Brighton.
Justement, dans l’amphithéâtre, les sacs de couchage se préparent. Cette nuit, une dizaine d’étudiants dormira sur place pour assurer la continuité du blocus. La journée, dans les moments forts, ils sont une centaine à garnir les gradins. Ramenée aux 11 000 étudiants du campus, et à l’incontestable légitimité de leur action, cela ne pèse tout de même pas lourd.
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Sur le terrain, et malgré le coup de force du 10 novembre, la torpeur, avérée, quasi légendaire, des étudiants anglais est palpable. Le jour même, à l’université du Sussex, une AG, pourtant cruciale pour la suite du mouvement, a dû être reportée, faute de participants. La mobilisation est difficile, et les étudiants d’origine étrangère en sont même souvent les leaders.
Comment mobiliser ?
» On n’a pas votre capacité de mobilisation, on n’a jamais fait notre Mai 68, dit Manoj, représentant des étudiants à Goldsmith, une université londonienne pourtant considérée comme très à gauche. Ici, les étudiants sont concentrés sur leurs études, ils ont peur de se disperser, c’est un peu du chacun pour soi. Peut-être les choses sont-elles en train de changer. L’augmentation des frais d’inscription touche directement les étudiants au portefeuille, c’est concret, la mobilisation est un peu plus facile. On a bon espoir, que, cette fois, le mouvement prenne de l’ampleur. » Le 10 novembre, sur les 8 000 étudiants de Goldsmith, un peu plus de 500 ont défilé à Londres.
Là, dans le restaurant flambant neuf de l’université, ils sont une trentaine à discuter de la manifestation du 24 novembre. Comment mobiliser ? Faut-il manifester à l’intérieur même du campus ou se joindre à la manifestation dans les rues de Londres ?
Ça tergiverse, ça hésite. Ils ont tous entre 20 et 25 ans, mais ils semblent découvrir l’action, comme intimidés, effrayés des conséquences potentielles de leur mobilisation. Le 10 novembre, en marge du défilé, 200 manifestants ont envahi le siège du parti conservateur. L’action, condamnée de toutes parts, pèse sur les consciences.
« Avant toute chose, propose une brunette, prudente, il faudrait que nous briefions les étudiants sur les risques d’une manifestation. »
L’assemblée acquiesce. Des tracts, sortes de mode d’emploi pour activistes débutants, seront distribués sur le campus. Des ateliers de formation à la manifestation pourraient même être organisés. Si mobilisation il y a, elle sera sage, raisonnable, flegmatique.
« On ne peut pas prendre la responsabilité d’envoyer des étudiants dans la gueule du loup sans les avoir avertis des dangers », se défend Manoj, alors que deux gamins se joignent à l’assemblée, sous le regard étonné des étudiants.
Ils ont 16 ans et de bonnes joues. Ils viennent d’un collège voisin, et eux aussi veulent s’engager. « Dans quelques années, c’est nous qui devrons nous inscrire à l’université, ce combat c’est aussi le nôtre », dit l’un des deux. Il parle fort, clair et net. Il a plus de charisme que tous les étudiants qui viennent de tailler le bout de gras.
« Hier soir, on a commencé à parler à nos potes de la manifestation du 24 novembre, on a mis un message sur Facebook et une trentaine de personnes nous ont déjà répondu qu’elles viendraient. Au total, je pense que l’on va pouvoir mobiliser cinquante ou soixante élèves. On va faire du bruit, on va vous aider. » La relève est déjà là.
Marc Beaugé
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