Daniel Cordier, le secrétaire de Jean Moulin, revient sur les lieux de son combat dans un documentaire. Un périple historique en compagnie de Régis Debray.
En publiant l’an dernier Alias Caracalla, ses souvenirs de guerre, celui qui fut le secrétaire de Jean Moulin offrait à l’épopée de la Résistance un livre magistral par sa capacité à mêler au récit de la grande histoire les échos secrets de ses traces intimes.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
[attachment id=298]Grâce à l’évocation lumineuse de son passé au sein de l’armée des ombres, Daniel Cordier amplifiait notre connaissance des réseaux gaullistes de juin 1940 à la Libération. Dans le même temps, il reconstituait le fil d’un destin personnel consacré, dès les premiers jours de la défaite, à la reprise de la lutte derrière de Gaulle en exil à Londres.
Pour prolonger ce travail mémoriel inauguré au milieu des années 1970, alors que d’anciens résistants accusaient Moulin d’avoir été un agent du KGB, Daniel Cordier est reparti sur les lieux emblématiques de ses années de guerre, de Londres à Lyon, de la campagne anglaise à Paris. Un périple que le résistant accomplit avec Régis Debray, à l’origine du documentaire. Devant la caméra de Bernard George, maître d’oeuvre de ce road-movie historique, Cordier revisite son histoire, réactivée par la géographie où elle se déploya.
Souvent bouleversé par cette confrontation des lieux avec ses souvenirs (l’Olympia Hall à Londres, le bureau de Moulin à Lyon…), Cordier livre ses impressions aussi précisément qu’il les coucha sur le papier.
De son arrivée à Londres à 19 ans, parmi les 2 000 premiers résistants, à sa première rencontre avec de Gaulle le 2 juillet 1940, de sa formation au Bureau central de renseignements et d’action à son parachutage à Montluçon en juillet 1942, de sa première confrontation avec Moulin à l’annonce de son arrestation, en juin 1943, Cordier détaille les étapes de sa guerre. Une guerre sans combats armés, mais pleine d’actions secrètes liées à son rôle de bras droit de Jean Moulin.
Son portrait ému et incarné de Jean Moulin parachève le mythe du chef de la Résistance tout en l’humanisant. Par l’évocation pointilleuse des gestes et paroles du patron décrit à la fois comme un grand homme habité par sa mission politique et comme un homme simple et affectueux, Daniel Cordier ne sacrifie jamais la rigueur de son projet historique.
Le témoin engagé se refuse à embellir comme à masquer : l’honnêteté intellectuelle le guide, jusqu’à remettre en question le mythe d’une Résistance unie derrière Moulin ou soucieuse du sort des Juifs. Cordier avoue même qu’il ne découvrit le vrai nom de son patron qu’à la fin de la guerre : pour lui, Moulin n’était que Rex.
Tout est beau dans ses paroles : la volonté de tout dire, de comprendre, de restituer, de saluer, de confesser ses propres affects… Le souffle épique qui traverse ce récit historique sort d’une voix éternellement combattante. Rien ne semble pouvoir l’épuiser, comme si l’éveil politique et la vigilance du résistant étaient intacts.
Daniel Cordier, la Résistance comme un roman, documentaire de Bernard George et Régis Debray Dimanche 30 mai > 21 h 30 > France 5
Alias Caracalla – Mémoires, 1940-1943 de Daniel Cordier (Gallimard,931 pages, 32 €)
{"type":"Banniere-Basse"}