Créé en 2008, le groupe de médias en ligne Melty fait le plein chez les moins de 30 ans. Grâce à des algorithmes mesurant les attentes des internautes sur l’actualité – cinéma, people, sport… –, son jeune patron Alexandre Malsch a inventé un média générationnel.
Au début du mois de juin, le groupe de médias en ligne Melty organisait une conférence de presse dans ses nouveaux locaux, au Kremlin-Bicêtre. Près de l’escalier, une vieille imprimante poussiéreuse contraste avec les bureaux flambant neufs de la rédaction. « C’est un vestige, se marre Roxane, qui assure la présentation des lieux. Melty a désormais interdit l’utilisation du papier à tous ses salariés. » Les travaux se sont achevés la nuit précédant la conférence, et le résultat est bluffant. Une bande de moquette imitation herbe relie les différents points de la rédaction, décorée de manière ultramoderne. Plus étonnant encore, mais en parfaite cohérence avec la moyenne d’âge des cinquante-sept salariés de l’entreprise, des mini skate-boards, aux couleurs des différents pôles de Melty, jonchent le sol vert afin de « faciliter les déplacements ».
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Melty Network, qui regroupe désormais huit sites (Melty.fr, meltyFashion, meltyStyle, meltyBuzz, meltyCampus, meltyFood, meltyXtrem et Fan2.fr), revendique être « le premier groupe média pour les 18-30 ans sur internet ». En mai 2013, lors du dernier classement de l’OJD mesurant la fréquentation des sites internet, le portail média pour les jeunes s’est hissé en 29e position, juste derrière Rue89, avec 11 millions de visiteurs.
Malgré un look décontract en jean et T-shirt, Alexandre Malsch, 28 ans, cofondateur de Melty, prend un ton solennel au moment de débuter sa conférence de presse. Et pour cause, dans le public, Alexia Laroche-Joubert, productrice de Popstars chez Banijay, et Denis Olivennes, patron de Lagardère Active, l’écoutent attentivement. « Cette année représente une année stratégique importante pour nous », confie le patron de Melty. Avec le sourire, Alexandre Malsch annonce tour à tour l’installation d’une rédaction en Italie, l’ouverture de filiales en Allemagne et au Brésil, et des partenariats de coproduction avec Lagardère et Banijay. Meltygroup, qui a réalisé 2,3 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012, en vise 4,5 en 2013. En parallèle, l’expansion internationale de son modèle doit stimuler ses sources de revenus. Le business plan annoncé prévoit 36 millions de revenus en 2016, dont 21 millions hors de France.
Dans un paysage médiatique en berne, la recette de Melty détonne. Fondé en 2008 par trois ingénieurs sortant d’Epitech, ce portail pour jeunes exploite à fond des outils comme Google Trends ou Google Analytics afin de répondre aux aspirations de son lectorat. Capitalisant sur les sujets-buzz qui agitent le web, Melty ne se définit pas comme un site « journalistique ». « Nous ne sommes ni Le Monde, ni Le Point, explique Alexandre Malsch. Nous avons une rubrique d’informations par devoir car beaucoup de gens nous lisent mais nos articles sont surtout axés divertissement. » Il n’en demeure pas moins que le site peut être une source d’inspiration pour des sites d’info traditionnels. Johan Hufnagel, rédacteur en chef de Slate.fr, explique : « C’est un modèle intéressant car ils ont compris comment se construisait une information sur le web grâce aux moteurs de recherche et à une connaissance assez fine de leurs lecteurs. Mais leur lectorat est très volatil. Ils lisent l’article et s’en vont. »
Véritable génie du référencement, Melty publie énormément de contenus (de trois cents à cinq cents articles par jour) tournant autour de thématiques (people, ciné, sport) susceptibles d’intéresser son jeune public. Cette profusion d’articles a été critiquée par le site Journalismes.info, qui accuse Melty d’être une réactivation française des fermes à contenus américaines (« content farms »). C’est-à-dire des sites qui, à l’instar de Cracked.com ou d’eHow.com, publient du contenu à faible valeur ajoutée afin de générer des revenus publicitaires. Une appellation que réfute catégoriquement Alexandre Malsch. « Effectivement, nous produisons beaucoup de contenu car nous cherchons à répondre aux demandes de nos lecteurs qui sont jeunes et qui préféreront toujours plusieurs articles courts à une longue analyse. Nous ne faisons que répondre aux exigences d’une génération zapping qui consomme l’info en temps réel sur son smartphone. »
D’ailleurs, Melty entend produire de plus en plus de contenus. Avec Lagardère, le portail va prendre en charge l’édition et la commercialisation des chaînes de télé MCM (musique) et June (pour les jeunes femmes), qui appartiennent au géant des médias. Alexandre Malsch entend également envoyer de plus en plus ses jeunes geeks se confronter au terrain. « Une fois par semaine, une équipe de la rédaction réalise des reportages dans un véritable exercice de journalisme classique », explique-t-il. Lors de l’hommage public à Clément Méric, le micro vert de Melty côtoyait ceux d’Europe 1 ou de la chaîne Public Sénat. Désormais, le portail produit chaque mois plus de 230 heures de vidéos (interviews, documentaires) exclusives.
Lucide sur sa marge de progression par rapport aux autres sites d’information traditionnels, Alexandre Malsh reconnaît que Melty a encore « beaucoup de choses à apprendre et à améliorer ». Avant d’ajouter, plein de malice et d’ambition : « Je pense que nous sommes un vrai média générationnel, une start-up des médias, de la même façon que Google a été une start-up de la recherche et Facebook une start-up des réseaux sociaux, toutes proportions gardées bien sûr. »
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