L’antenne lyonnaise d’Osez le féminisme a annoncé par communiqué de presse sa démission collective de l’association le 27 mai. En cause, un fonctionnement jugé trop « pyramidal », et des désaccords sur le voile. Jusqu’où iront les divisions ?
C’était la plus importante des 20 antennes actives d’Osez le féminisme ! à l’échelle nationale en 2013, elle ne compterait aujourd’hui plus que trente adhérentes, et elle vient de jeter l’éponge en annonçant sa démission collective dans un communiqué, le 27 mai. La section lyonnaise d’OLF invoque notamment un « fonctionnement pyramidal, parisianiste et centralisé », mais surtout un désaccord de fond sur « des interventions médiatiques récentes », jugées « honteuses et irrespectueuses envers les femmes voilées ».
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En cause, les propos tenus par la porte-parole d’OLF, Anne-Cécile Mailfert (qui a passé le relais à Claire Serre-Combe et Margaux Collet le 30 mai lors de l’Assemblée générale annuelle du mouvement), sur le plateau du Supplément de Canal + début mai. Suite à un portrait d’elle dans lequel la militante féministe Rokhaya Diallo l’interpelle sur la position d’OLF sur les femmes voilées, elle répond : « Nous on a une position, c’est de dire : les voiles, pas seulement le voile musulman, c’est un signal qui est de se cacher pour les femmes, et ça c’est vrai que nous on est contre. » (à la 11e minute sur cette vidéo)
« Je ne dis rien d’islamophobe »
OLF69 explique dans son communiqué avoir pâti sur le terrain de ces déclarations : « Difficulté de créer des partenariats, absence de crédibilité, de pertinence sur le terrain ». La démission des huit membres du conseil d’administration et des quatre membres du comité d’organisation devrait prendre effet le 18 juin, lors d’un Conseil d’administration extraordinaire.
Contactée par Les Inrocks, Anne-Cécile Mailfert se défend d’avoir tenu des propos islamophobes, et dénonce « une tempête dans un verre d’eau » provoquée de manière opportuniste :
« Nous n’avons jamais rien dit qui vise la religion musulmane en particulier. Les militantes démissionnaires d’OLF69 instrumentalisent une interview dans laquelle je ne dis rien d’islamophobe. Le premier numéro du journal d’Osez le féminisme était consacré au voile il y a six ans. Elles ne peuvent donc pas faire comme si elles découvraient maintenant notre position à ce sujet. On a toujours dénoncé le fait que toutes les religions pèsent dans les instances internationales contre les droits des femmes. Elles n’ont jamais été des moteurs de leur émancipation. »
« Ces déclarations ont remis en question leur engagement à OLF »
D’après nos informations, la prise de distance d’OLF69 vis-à-vis de la ligne politique de la direction centrale d’OLF a été progressive, et serait le fruit d’une prise de contrôle de l’antenne par un petit noyau de sept militantes. Le 14 mars dernier, certaines d’entre elles ont participé à une manifestation contre la loi de 2004 interdisant le port du voile à l’école, 11 ans après son vote. A cette occasion elles auraient rencontré des militantes du CRI (Coordination contre le racisme et l’islamophobie).
Puis, le 21 mai, OLF69 a organisé un atelier-débat décisif, qui avait pour thème la double oppression des femmes victimes de racisme et de sexisme. Il a été animé par la secrétaire nationale du CRI, Safia Akoudad. Contactée par Les Inrocks, celle-ci affirme que la décision des militantes d’OLF69 de démissionner du CA était alors déjà prise : « Les déclarations de leur porte-parole sur les femmes voilées ont remis en question leur engagement à OLF », relate-t-elle.
« Nous considérons le voile comme un symbole d’oppression patriarcale »
Interrogée par Les Inrocks, la nouvelle porte-parole d’OLF, Claire Serre-Combe, précise la position d’OLF sur le voile :
« Nous considérons le voile comme un symbole d’oppression patriarcale. Cette position a fait l’objet d’un vote en conseil d’administration il y a un an et demi, auquel les militantes d’OLF69 n’ont pas participé car elles n’étaient pas présentes. Cependant nous n’avons pas de solution pour le combattre, car les femmes musulmanes sont victimes d’une double oppression, raciste et sexiste, et nous ne voulons pas les stigmatiser ».
OLF69 a officialisé sa démission le 27 mai, peu avant l’Assemblée générale annuelle du mouvement, qui a eu lieu à Nanterre le 30 mai. L’ambiance promettait d’être pesante. Selon Claire Serre-Combe, il ne fût pourtant pas question de cet événement. Le texte d’orientation adopté lors de cette AG réaffirme les combats féministes d’OLF contre les violences économiques faites aux femmes, pour les libertés des femmes à l’international, et pour l’abolition de la prostitution.
« Intégrer la notion d’intersectionnalité »
On y lit une définition inclusive du féminisme : « Le féminisme, et il faut le rappeler, c’est l’égalité entre les femmes et les hommes, quelles que soient leurs origines, leur orientation sexuelle, leur orientation religieuse ». Et la mention de l’ »intersectionnalité » des luttes (de classe, de genre et de race) :
« Il nous revient de travailler avec les collectifs anti-racistes pour intégrer la notion d’intersectionnalité et la double peine subie par les femmes racisées, mais également de porter au plus haut niveau de l’Etat l’urgence de mettre des moyens dans la lutte contre le sexisme face aux menaces de l’extrême-droite et des extrémistes religieux. »
Pas de quoi réconcilier les deux parties. Claire Serre-Combe affirme regretter la manière dont cette rupture a été consommée, par voie de presse interposée, et espère que de nombreuses militantes participeront à l’AG extraordinaire qui devrait avoir lieu à Lyon le 18 juin. Selon la secrétaire nationale du CRI, Safia Akoudad, qui est contact avec certaines militantes démissionnaires d’OLF69, elles ont l’intention de militer dans d’autres structures, quoi qu’il arrive.
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