La poussée confirmée du FN peut accélérer la recomposition de la droite avant la présidentielle. Jusqu’à l’explosion de l’UMP ?
Elle y a tout intérêt, donc elle appuie là où ça fait mal. Pour Marine Le Pen, il n’y a aucun doute, après les élections cantonales, c’est « une guerre le couteau entre les dents » qui commence au sein d’une UMP « au bord de la dislocation ». Pour la présidente du Front national, le vote d’extrême droite « a révélé la fracture idéologique très lourde au sein de l’UMP, mais qui traverse aussi la gauche, entre les mondialistes et les nationaux ».
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« On va assister à une recomposition de la vie politique. Ce qui se passe est la chose la plus importante qui s’est produite depuis trente ans », insiste-t-elle.
Marine Le Pen guette surtout « les conséquences psychologiques sur tout l’encadrement UMP » du résultat des deux cents duels gauche-FN au second tour des cantonales. Un seul siège remporté – en l’occurrence deux, à Carpentras et Brignoles – et c’est « un vent de panique » qui va gagner les députés de la majorité, voulait-elle croire avant le second tour. Et le sondage TNS-Sofres qui la place au second tour de la présidentielle, face à Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry ou François Hollande, après un « 21 Avril à l’envers » éliminant Nicolas Sarkozy, lui a donné un large sourire dimanche soir.
A l’UMP, les ténors ont cherché de leur côté à minimiser la défaite des cantonales. Et suivant la stratégie arrêtée pendant le week-end, en accord avec l’Elysée, ils ont insisté sur l’inéluctabilité d’une candidature Sarkozy en 2012.
« C’est la logique de la Ve République. Personne ne peut penser aller contre le président sortant », répétaient-ils en boucle.
Mais l’UMP est un bateau ivre depuis que Marine Le Pen est passée à l’abordage, et la stratégie de Nicolas Sarkozy pour la présidentielle est en question. Or, à partir de son discours de Grenoble, l’été dernier, le chef de l’Etat campe sur la ligne dure.
Pour Nicolas Sarkozy, comme la société française glisse vers la droite, il faut déplacer le débat politique dans cette direction, avec des discussions sur la sécurité ou l’immigration, quitte à brouiller les lignes avec le Front national. Depuis le remaniement de février, Claude Guéant, bombardé au ministère de l’Intérieur, est le fer de lance de cette stratégie. Les plus mesurés parmi les critiques du chef de l’Etat à l’UMP estiment que Nicolas Sarkozy veille à ne pas effaroucher les électeurs FN, pour se garantir de bons reports de voix au second tour de la présidentielle. Les plus inquiets redoutent la préparation d’une alliance en bonne et due forme avec le parti de Marine Le Pen.
Dominique de Villepin, qui a annoncé en février ne pas renouveler son adhésion à l’UMP, n’est pas loin du constat dressé par la présidente du FN, quand il explique que le parti est désormais profondément divisé entre « une droite dure, nationale » et « une droite républicaine, humaniste, qui, de plus en plus, se sent mal à l’aise ».
« On est de moins en moins un mouvement, de moins en moins d’union et de moins en moins populaire », renchérit une cadre de l’UMP.
« Les digues sont rompues » est la phrase la plus prononcée depuis dix jours à gauche mais aussi à droite. Et les lignes de fracture se creusent. Le gendre de Jacques Chirac est habituellement un homme discret. Mais, dans une tribune publiée la semaine dernière dans Le Figaro, Frédéric Salat-Baroux a fustigé ceux qui font de l’UMP les « supplétifs obsessionnels » du Front national. Comme lui, Jean-Louis Borloo a plaidé pour un front républicain. Il veut fonder début mai une nouvelle confédération centriste, à côté de l’UMP, que les troupes radicales avaient pourtant rejointe en 2002. Nicolas Sarkozy l’a d’ailleurs mis en garde lundi.
Au sein de l’ex-RPR, la contestation de la ligne présidentielle se double des calculs personnels des uns et des autres. Une nouvelle fois, François Fillon, possible recours à droite en 2012, est allé taquiner le camp sarkozyste sur la ligne de crête en mettant l’accent sur le vote « contre le Front national » devant le bureau politique de l’UMP. Alain Juppé est lui aussi engagé dans une différenciation, encore subtile, mais qui peut s’affirmer à tout moment.
« C’est Nicolas Sarkozy qui incarnait l’UMP. Quand la personnalité qui l’incarne est en situation de faiblesse, tout mouvement politique est en danger », analyse Marine Le Pen, qui veut croire que le FN récupérera les déçus de l’UMP, où certains réfléchissent déjà à une contreattaque.
Bruno Le Maire, ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin, aujourd’hui en charge de la préparation du projet de l’UMP pour 2012, estime que la droite est face à un « choix politique majeur, et ce en pleine guerre économique ». « Si on veut sauver la République, on doit remettre de la différence entre l’UMP et le Parti socialiste », et cela passe par l’apport de « solutions », de « résultats concrets ». Sans rechigner à s’aventurer sur le terrain glissant choisi par la patronne du FN. « Un maire socialiste de mon département m’a dit : ce n’est pas parce que Marine Le Pen va se mettre à parler de Mozart qu’il faut arrêter d’écouter Mozart », raconte le ministre de l’Agriculture.
« Les postures morales me hérissent. La responsabilité des républicains, c’est de garder son sang-froid, fixer un cap, mais voir aussi ce que vivent les gens. »
Pour Bruno Le Maire, droite et gauche peinent aujourd’hui à élaborer « un grand projet » national et européen. « L’extrême droite a un projet clairement identifié, qui est de cadenasser la société européenne. Je pense que nous devons offrir un projet moral, mener une campagne présidentielle non pas crispée mais ouverte », ajoute-t-il. « La victoire de la gauche aux cantonales peut amener Sarko à évoluer sur sa stratégie », voulait croire dimanche soir un responsable de l’UMP. Lundi, François Baroin appelait à enterrer les débats sur l’islam et la laïcité.
Hélène Fontanaud
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