A Carrières-sous-Poissy, dans les Yvelines, les habitants d’un quartier classé en zone urbaine sensible ne reçoivent plus leurs colis. Trop d’incivilités, se justifie la Poste, démissionnaire.
C’est l’histoire de colis que la Poste estime piégés et refuse de livrer… Des colis, justement, Achraf Bakhat en a attendu beaucoup chez lui depuis quatre mois, en vain. Cet ancien habitant du Chesnay, qui vient d’emménager à Carrières-sous-Poissy (16 000 habitants) dans une HLM du quartier Saint-Louis classé zone urbaine sensible (ZUS), voit les avis de passages se multiplier dans sa boîte aux lettres, alors que sa compagne, jeune maman au foyer, n’entend jamais sonner le facteur.
Ce dernier leur a appris que la Poste ne livrait plus de colis dans le quartier en raison d’incivilités et de vols de scooters. Achraf s’en plaint à la direction du centre de tri de Chanteloup-les-Vignes qui lui répond par écrit le 5 juillet « qu’aucun objet n’est distribué à (son) adresse, comme à aucune autre adresse faisant partie d’une zone urbaine sensible ». Outré, il en avise le maire, Eddie Aït (Parti radical de gauche), qui s’indigne, dans un courrier, « d’une évidente rupture de l’égalité des citoyens devant les services publics ». « Peut-être ont-ils cru qu’en ZUS ça gueulerait moins ? », se demande-t-il. Pour avoir des explications, il a écrit à Jean-Paul Bailly, le pdg du groupe la Poste.
Une politique officieuse de La Poste ?
Au-delà du cas de Carrières-sous-Poissy, cet épisode révèle-t-il une politique officieuse ? La Poste a-t-elle démissionné en ZUS ? L’institution se défend et estime « mal formulée » la réponse du centre de tri. Concernant les soupçons de directive orale « d’aviser d’office » en ZUS, le chargé de communication de la Poste Ile-de-France commente : « Ça me paraît bizarre. Parfois c’est tout simplement le facteur qui le fait de sa propre initiative… »
À la CGT-Fapt 78, on dit autre chose :
« On m’a confirmé qu’il y aurait bien une directive orale d’aviser d’office en ZUS… depuis des années », explique Franck Nguyen, dénonçant au passage manque de personnel et surcharge de travail. « On nous propose de travailler en binôme mais la politique de la Poste serait plutôt de baisser le nombre d’employés. »
Pour le sous-préfet Philippe Courtois, il y a urgence à « stopper l’effet d’entraînement, de psychose ». Celui-ci a demandé à la Poste de ne pas rompre son service universel, dont il est le garant – même pour d’éventuelles questions de sécurité (dont il est aussi le garant), et rappelle qu' »il n’y a pas de problématique d’agression de facteurs à Saint-Louis ». Dans le quartier, il n’y aurait que des problèmes de boîtes verrouillées, d’absence de nom ou d’accès. Saint-Louis, 5 000 habitants, mix de HLM et de pavillons, est un quartier comme il y en a beaucoup – la verdure en plus. Les habitants font leurs courses au Leclerc. Les enfants privés de vacances jouent à Carrières Plage.
L’épisode tombe en tout cas bien mal. Un plan de rénovation urbaine doit transformer la ville en rassemblant l’aile gauche (Saint-Louis) et l’aile droite coupées en deux par la départementale. Le plan prévoit, entre autres, la construction d’environ 3 000 logements neufs. Ils sont en vente depuis le 18 juin. Pour rassurer les acheteurs potentiels, le maire insiste : « L’insécurité a baissé de 24 % en quatre ans, j’ai fait installer la vidéosurveillance, créé une police municipale. » « Dès lundi, partout où cela sera possible, les recommandés seront remis en main propre », promet-on à la Poste. « Pour les colis, cela prendra un peu plus de temps… »