Diffusé sur Arte le 8 juin, un documentaire donne la parole aux gardiens de la paix. Moral en berne, troubles psychologiques, manque de formation : le constat est alarmant.
Sarkozy pensait pouvoir compter sur la police. Mais le 23 mars, à Melun, lors de la cérémonie en hommage à Jean-Serge Nerin, brigadier-chef tué par l’ETA, une dizaine de policiers en civil tournent le dos au chef de l’État lorsque celui-ci prend la parole. Un geste qui peut leur valoir une révocation. Cette scène témoigne du malaise grandissant entre les flics et Sarkozy, sujet de l’enquête de Jean-Michel Décugis et François Bordes.
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Faute d’avoir été autorisés à filmer dans les commissariats, les deux journalistes sont allés à la rencontre de gardiens de la paix pour prendre le pouls de l’institution. Résultat : des flics désarmés et désabusés face à leurs conditions de travail et le climat délétère qui les entoure, notamment depuis les émeutes dans les banlieues en 2005.
Yannick Landurain, gardien de la paix en Seine Saint-Denis, explique, amer :
« On est sortis perdants, on ne pouvait pas répliquer à la même hauteur puisqu’on était tenus par une hiérarchie. Mais les jeunes venaient en découdre physiquement ».
Entre un discours gouvernemental qui prône la tolérance zéro et des notes de service stipulant de ne pas envenimer la situation, les flics ne savent plus à qui s’en tenir. Et ne cachent pas leur incompréhension.
En 2007 à Villiers-le-Bel, après la mort de deux jeunes entrés en collision avec une voiture de police, un seuil de violence est franchi : les émeutiers sortent les armes. Dix-sept policiers de la compagnie de sécurisation de Paris sont blessés suite à une fusillade. Ils sont alors réduits au silence :
« On nous a fait comprendre via notre patron, via Beauvau et l’Elysée qu’il ne fallait rien dire, que notre carrière pouvait se terminer du jour au lendemain, témoigne l’un d’entre eux, visage caché. Pour nous calmer, on nous avait promis 600 euros de primes, qui se transforment en 300 euros de bons-cadeaux ».
« Et une réception en grande pompe à l’Elysée », ajoute le commentaire.
Le film révèle le profond désarroi de ces flics envoyés sur le front sans réelle connaissance du terrain. 80 % des nouveaux gardiens de la paix atterrissent en banlieue parisienne alors qu’ils viennent de province. Certains en viennent à se radicaliser :
« Aux voyous, il faut répondre comme des voyous », lâche un des témoins.
Ou à se dissimuler :
« Je dis que je suis maçon, c’est plus simple », confie un autre.
Comme si, réduite à faire du chiffre ou à des opérations coup de poing, la police ne parvenait plus à retrouver sa mission : assurer la sécurité de tous.
La police et Sarko, film de Jean-Michel Décugis et François Bordes. Diffusé mardi 8 juin à 20 h 35 sur Arte.
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