Isabelle Clarke et Daniel Costelle proposent, ce mardi soir sur France 2, un nouveau chapitre de leur série « Apocalypse », consacré à Joseph Staline, avec des images inédites. Mais leur approche cinématographique de l’Histoire ne plaît toujours pas à tout le monde.
« Qui fut Staline ? Le vainqueur du nazisme ? Le “Petit Père des peuples” ? Ou le plus grand criminel de son siècle ? » C’est la question que pose, dès le début, le documentaire Apocalypse, Staline, dont le premier volet, « Le possédé », est diffusé sur France 2 ce mardi 3 novembre à 20h55. Un documentaire critiqué par Libération pour sa lecture simpliste de l’Histoire.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Après la Seconde Guerre mondiale, Hitler et la Première Guerre mondiale, la série de documentaires historiques du couple de réalisateurs Isabelle Clarke et Daniel Costelle, consacrée aux « apocalypses » du XXe siècle, se penche cette fois sur la vie et le règne de Joseph Vissarionovitch Djougachvili, alias Staline , »l’homme d’acier ».
Des images exclusives
Tout comme les autres documentaires de cette série, Apocalypse, Staline est constitué de « documents cinématographiques » – les auteurs aiment rappeler qu’ils sont cinéastes et non historiens – dont certains sont exclusifs. Il est divisé en trois épisodes : « Le possédé », « l’homme rouge » et « le maître du monde ». Grâce à une participation de 78 personnes, les images ont été mises en couleur tandis que les réalisateurs y ont ajouté le son. Comme pour les précédents opus, la voix-off est incarnée par Mathieu Kassovitz. Le tout sous le contrôle d’Olivia Gomolinski, la conseillère historique, spécialiste de l’histoire sociale des XIXe et XXe siècles.
Parmi ces images exclusives, Isabelle Clarke et Daniel Costelle ont accepté d’en commenter sept pour TéléObs. Certaines anecdotes sont si célèbres qu’elles relèvent de la légende stalinienne, comme celle de Vassili Petrovich Nicolaiev, qui se fait emprisonner et torturer pour avoir été le premier à arrêter d’applaudir après un discours de Staline lors du congrès des soviets de Moscou en 1936. D’autres apportent une nouvelle illustration des périodes de la vie du dictateur déjà très documentées : c’est le cas de certaines images de son passage au séminaire. D’autres encore sont beaucoup plus inédites, telle la photo sans retouche de son visage, rongé par la variole, ou celles de la visite du photographe d’Hitler, qui vient vérifier que Staline n’est pas juif.
Le processus de colorisation a fait débat
Il n’y a pas de doute, grâce à ces images rares, Apocalypse, Staline apporte un nouveau regard sur la vie du « Petit Père des peuples ». Et, si l’on regarde le succès des autres films de la série, il fait espérer de grosses audiences à France 2 ce mardi soir, sans même avoir déclenché autant de remous que les précédents.
Et pourtant, cette fois encore, certaines voix s’élèvent pour critiquer l’approche d’Isabelle Clarke et de Daniel Costelle à la réalité historique. Aujourd’hui, ce n’est plus la mise en couleur qui choque. Même l’historien Benjamin Stora, qui déclarait en octobre 2011, au lendemain de la sortie d’Apocalypse, Hitler que « ce procédé » lui échappait, admettait au Monde en mars 2014, soit juste après la diffusion d’Apocalypse, la Première Guerre mondiale :
« Lors de la première diffusion d’ »Apocalypse”, je craignais que l’archive ne soit rendue plus lisse et que ce soit une facilité pour attirer un public plus large, au détriment de la vérité historique. Mon jugement a évolué car il est évident qu’avec tous les nouveaux outils technologiques, si les historiens n’entrent pas dans le processus de colorisation, il se fera sans eux, et ce serait pire. »
L’historien avait d’ailleurs réalisé en 2012, avec Gabriel Le Bomin, un documentaire colorisé, La Déchirure, note Le Monde. Parmi les autres opposants à cette technique cités alors par le quotidien – l’historien Georges Didi-Huberman, le cinéaste Hugues Le Paige ou encore le journaliste Gérard Lefort – certains y sont probablement toujours réfractaires.
A la une de Libé ce mardi : l’évasion fiscale et Staline https://t.co/Wtpars0z2o pic.twitter.com/eHyLATUrbp
— Libération (@libe) 2 Novembre 2015
« Gros sabots contre un bourreau »
Mais ce mardi matin, dans Libération, c’est la plume de Laurent Joffrin qui passe au crible les « manques » d’Apocalypse, Staline. Or, le directeur de la rédaction du quotidien n’a, lui, rien à reprocher à la mise en couleur, bien au contraire :
« La colorisation alliée aux gros plans nous introduit dans l’intimité du tyran et nous en apprend autant que cent analyses subtiles, tant il est vrai que la bonne pédagogie de l’Histoire suppose de passer par les individus et les événements. »
Laurent Joffrin n’en veut même pas à Isabelle Clarke et à Daniel Costelle pour cette « méthode spectaculaire qui a fait leur succès, dérange les puristes et plaît tant au public ». Non. De son côté, il dénonce un documentaire qui « manque un peu de complexité », dans lequel « on passe trop vite sur les premières mesures de Lénine », « on survole la dureté des exactions commises par les Blancs face aux Rouges pendant la guerre civile » et « on ne cherche pas à comprendre pourquoi cette révolution russe, aussi sanglante qu’elle ait été, fut le point de ralliement de millions de prolétaires à travers le monde ».
En fait, ce que le journaliste reproche à Apocalypse, Staline, c’est de nous proposer un portrait uniquement à charge du despote, sans évoquer l’« aveuglement particulier par la foi dans un monde meilleur » du peuple russe de l’époque, ni même que – quand même ! – « c’est bien Staline, pour l’essentiel, qui a gagné la guerre en Europe ».
« Le possédé », Apocalypse, Staline, France 2, mardi 3 novembre 2015, 20h55.
{"type":"Banniere-Basse"}