Le projet d’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes ne sera pas étudiée par les parlementaires le 29 janvier. Pour en comprendre les enjeux, il faut se pencher sur la manière dont la France l’encadre pour les couples hétérosexuels.
Un papa, une maman, on ne ment pas aux enfants » aura été un des slogans phare des opposants à l’égalité des droits. Dépassons l’anachronisme d’une telle formule dans un monde où cohabitent des modèles familiaux divers pour la prendre au sérieux deux minutes.
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La France fait partie des pays qui limitent le plus strictement l’accès à la PMA – aux couples de sexe différent, mariés, concubins ou pacsés depuis plus de deux ans. États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Israël, Suède, Norvège, Danemark, Finlande, Islande, Belgique, Pays-Bas, Espagne et Afrique du Sud notamment ont, eux, ouvert la PMA aux femmes seules et aux couples de même sexe. Pourquoi une telle différence ? Le modèle français actuel de la PMA avec tiers donneur est un modèle pseudo-thérapeutique, que la sociologue de la famille Irène Théry qualifie de « ni vu ni connu ». « Ce système est l’héritier du modèle matrimonial traditionnel ‘un seul père, une seule mère, pas un de moins pas un de plus’ dans lequel le mari était supposé être le géniteur, même quand ce n’était pas vrai. Avec la PMA, ce système mime la procréation biologique alors que, par hypothèse, c’est faux. Comme si pour être un ‘vrai parent’ il fallait forcément avoir procréé. » « Le droit français de la PMA, ajoute-t-elle, oblige à utiliser de façon fallacieuse la présomption de paternité en rendant secret le recours au don et en faisant croire que le mari stérile est le géniteur. Avec le modèle pseudo-procréatif, nos institutions ont effacé le don et interdit à l’enfant, même devenu majeur, tout accès à son propre dossier médical et à son origine. »
L’Angleterre et les pays d’Europe du Nord ont quitté ce système « ni vu ni connu » et assument qu’il y ait trois protagonistes : les parents intentionnels et le donneur. « Ces pays confortent l’idée que le donneur n’est pas un parent. En France, on pense qu’il faudrait le cacher sinon il viendrait prendre la place des parents », précise Irène Théry. Ces pays reconnaissent la PMA pour ce qu’elle est : une manière nouvelle d’engendrer des enfants. Comment imaginer dès lors que les couples de lesbiennes ne demandent pas l’accès à la PMA puisque par définition elles ne peuvent procréer ensemble ? Se tisse à cet endroit un rapport étroit entre rejet des couples de même sexe et modèle français pseudo-procréatif.
Le système français, renforcé par la loi de bioéthique de 2011 sous l’influence de la frange réac de l’UMP et de certains psychanalystes, a deux conséquences majeures. Il ferme l’accès aux origines pour les enfants nés de la PMA – cette génération revendique aujourd’hui de faire sauter le verrou du secret sans pour autant transformer le donneur en parent. Et il continue à en exclure les couples de femmes au nom du fait qu’elles voudraient faire croire à l’enfant né de la PMA qu’il est né de leur lit – « un papa, une maman, on ne ment pas aux enfants », CQFD. « C’est paradoxalement parce que l’on maquille en procréation à deux un engendrement qui a supposé le concours d’un tiers qu’on peut s’appuyer ensuite sur cette falsification pour décréter ‘folle’ la demande de ceux qui ne peuvent procréer ensemble », décrypte Irène Théry dans Des humains comme les autres (Éditions de l’Ehess). De plus, les études empiriques, notamment celle de Martine Gross, Qu’est-ce que l’homoparentalité ? (Payot), montrent que dans les familles homos, il n’existe aucun « déni » de la différence entre un homme et une femme, aucune tentative d’effacer les notions de père et de mère. Qui ment à qui, alors ?
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