C’est l’étendard de Sarkozy depuis la présidentielle et un sujet sensible pour les Français.Alors qu’Eric Besson relance la question à la veille des régionales, la gauche s’indigne mais ne pourra pas échapper au débat.
On ne parle plus que d’elle. L’identité nationale fait un retour triomphal sur le devant de la scène politique française depuis qu’Eric Besson a lancé, à la surprise générale, un débat national sur le thème “Qu’est-ce qu’être français ?” La droite, hormis Christine Boutin et Alain Juppé, s’est félicitée publiquement de cette initiative du ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale.
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A gauche, c’est l’indignation qui domine. “Retour du pétainisme le plus nauséabond”, pour le Parti communiste. Le NPA a signalé que “ce débat n’est pas le sien”. Il est “malsain” selon la première secrétaire du PS Martine Aubry. L’opposition dénonce en choeur une “diversion électoraliste”, un “appel du pied indécent au Front national” à quelques mois des élections régionales de mars 2010. Seule voix légèrement discordante, celle de l’ex-candidate socialiste Ségolène Royal qui a exhorté la gauche “à ne pas rejeter ce débat”. Ce dont Aubry a convenu mais pas “dans les termes imposés par la droite”. L’initiative de Besson est plus qu’un coup de “diversion”, selon l’historien Nicolas Offenstadt (L’Histoire bling bling, Stock, 2009) pour qui “l’identité nationale est un des éléments stratégiques de la victoire de Nicolas Sarkozy, un projet profond”. Fait pour durer. Le thème a éclos pendant la campagne présidentielle de 2007. Il s’agit pour le candidat Nicolas Sarkozy de draguer la France du “non” au référendum européen de 2005 et celle qui a voté Le Pen en 2002. A l’époque, Jacques Chirac avait placé le thème de l’insécurité au centre des débats. Au grand plaisir du FN. Le candidat socialiste, Lionel Jospin, ne voit pas le danger et se place au dessus de la mêlée. Cela produira un effet catastrophique. Les Français le jugeront loin de leurs préoccupations et problèmes quotidiens. Il sera éliminé au premier tour.
En 2007, plus que sur l’insécurité, Sarkozy table sur l’identité nationale. Selon les instituts de sondage, ce thème trouve en effet un écho chez les Français, comme le confirme la politologue Sophie Duchesne : “Les gens sont angoissés par le sentiment de perte de puissance de la France face à la globalisation.” Cela se constate surtout dans les milieux populaires, explique le politologue Olivier Ihl : “La droite développe les notions de sécurité et d’identité nationale depuis quinze ans pour peser sur ces milieux pas toujours satisfaits par sa politique économique.” La candidate socialiste Ségolène Royal, pour ne pas rééditer l’erreur de Jospin, tentera de contrer Sarko. Elle propose de faire chanter La Marseillaise et que chaque Français ait un drapeau tricolore dans son jardin. Elle fut critiquée jusque dans son camp. Des critiques un peu courtes pour Sophie Duchesne : “On a stigmatisé cette histoire de drapeau, mais sur le fond Royal a été courageuse et a fait des propositions différentes de celle de Sarkozy avec son ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, notamment avec son concept de France plurielle.”
C’est dans cette perspective qu’il faut lire l’intervention de Benoît Hamon, figure de l’aile gauche du Parti socialiste, lorsqu’il a fustigé, à la suite du Front national, le ministre de la Culture Frédérique Mitterrand. Le soutien de celui-ci à Roman Polanski et la polémique sur le tourisme sexuel ont eu un impact très fort dans les couches populaires. Or, Hamon en est persuadé, si le PS ne regagne pas la confiance de cet électorat, il ne reviendra pas au pouvoir. Ainsi, la bataille contre la droite se gagne pour lui dans les usines mais sans nier le rappel à certaines valeurs.
Pour la gauche, cela ne va pas forcément de soi de se saisir d’une question comme l’identité nationale, thème connoté “à droite”. C’est ce qu’écrivait l’essayiste Eric Dupin dans A droite toute (Fayard, 2007) : “La gauche inscrit son action dans le cadre mental de l’adversaire. Sa capitulation idéologique, plus ou moins inconsciente, la met en situation de faiblesse.” Un autre pan de la gauche refuse de s’emparer de cette notion, explique Sophie Duchesne, “parce qu’elle fait écran à quelque chose de plus essentiel : la lutte sociale”. Ce qu’elle regrette : “Ce serait une erreur de ne pas s’en saisir.” La nation fut d’abord une notion de gauche avant de devenir l’étendard de l’extrême droite puis de Nicolas Sarkozy.
Pour le moment, l’opposition refuse de participer au débat dans les termes posés par la droite. “Lier identité et immigration truque en effet le débat”, admet Sophie Duchesne, qui ajoute : “Il faut casser la façon dont il se pose, ne pas entrer dans le piège du discours essentialiste, du discours d’héritiers.”
Une des façons de reprendre la main serait de mettre en avant les valeurs de la République. Face aux remous provoqués dans les classes populaires par la nomination de son fils à l’Epad, Nicolas Sarkozy, fait rarissime, vient d’ailleurs de faire son mea culpa. Une piste à suivre.
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