Jean-Marie Durand décortique le discours présidentiel. Do you speak Sarkozy ?
Jamais les usages cyniques des techniques de communication n’ont atteint un tel niveau de sophistication au sommet du pouvoir. Mais les vices du discours élyséen ne produisent plus d’effets : sa duplicité est de plus en plus démasquée. C’est ce que révèle entre autres la montée progressive d’une colère contre les faux-semblants des promesses du pouvoir. Les mythologies patiemment construites –“Travaillez plus pour gagner plus”… – s’écroulent d’elles-mêmes. Lors de son discours du 24 mars à Saint-Quentin, il dénonçait les stock-options sans pour autant appeler à les faire disparaître. Les effets d’illusionniste tombent à plat, au point que la croyance dans la parole politique s’amenuise à mesure que celle-ci amplifie son espace.
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L’usage de l’oxymore – association de deux termes contradictoires regroupés dans une formule – dans la production du discours politique constitue la règle de la “novlangue” de Sarkozy, qui en produit à grande échelle, analyse Bertrand Méheust dans un essai, La Politique de l’oxymore (La Découverte). Ce sont ces oxymores que les citoyens sont invités à enregistrer passivement : discrimination positive, croissance négative… Méheust souligne que la société contemporaine “enferme la vie quotidienne dans un corset toujours plus dense de réglementations, dérégule le travail et la finance mais surrégule la vie quotidienne des mortels”,“vante le risque et l’initiative individuelle mais prône par ailleurs le risque zéro”, “exalte l’individu et la vie privée mais en même temps met en place des moyens de contrôle panoptiques qui empiètent sur la vie privée”,“considère l’enseignement et l’éducation comme l’alpha et l’oméga, mais voue un mépris de plus en plus pesant (…) aux enseignants”…
Le vice de ces injonctions paradoxales repose moins sur la contradiction de leurs niveaux de discours que sur la nécessité pour le pouvoir d’en user. C’est la meilleure manière d’anesthésier l’opinion, de la désorienter, voire de la rendre folle, car “l’oxymore rend fou” (l’étymologie grecque est “folie aiguë”). A moins que l’oxymore ne calme artificiellement les peurs. “La crise sans criser” titrait Libération : difficile aujourd’hui d’échapper au négatif de son élan positif, au côté pile de son versant face, à la déraison de sa rationalité, au “more”du “less”. Confusion des temps, ère du faux.
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