Après une brève absence, « Le Petit Journal » de Cyrille Eldin revient en version augmentée de treize minutes. Plus c’est long, plus c’est bon ?
« Mais que devient Le Petit Journal ? » L’Express s’est posé la question fin décembre. Epinglée dès la rentrée, l’émission de Cyrille Eldin s’est peu à peu faite oublier ; puis a même été suspendue le 3 mars. Une pause de courte durée : aujourd’hui, le show de Canal + se refait une beauté. Un Petit Journal peaufiné, plus long, « moins politique » à en croire Le Parisien, agrémenté d’un supplément « people« . En deux mots, plus pop. Sur le papier, une manière de retrouver du poil de la bête après la mort du Grand Journal en proposant une émission qui ne soit plus « prisonnière de l’actualité« .
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« Aujourd’hui c’est le nouveau Canal, on sait recevoir »
« Sans révolutionner la télé, on voudrait éviter d’être dans l’entre-soi politico-journalistique et retrouver un bon sens populaire » affirme Cyrille Eldin. Des rubriques au plateau, l’heure est au ravalement de façade. Niveau déco déjà, avec une surcharge tape-à-l’oeil de lumières clignotantes en arrière-plan et une insolite table plantée au milieu de la scène. Sa forme de boomerang n’est en rien hasardeuse : « comme ça, tout ce qu’on dira pourra nous revenir sur la gueule », décoche Eldin. Un decorum qui laisse de marbre Alain Minc, invité du troisième numéro, qui constate que « le Canal + nouvelle version fait des économies ! Les spectateurs sont moins bien assis, la loge est minable ».
http://www.dailymotion.com/video/x5fqt9e_droit-dans-les-yeux-alex-vizorek-le-petit-journal-du-22-03-canal_tv
Niveau contenu, ensuite, avec Le Petit Détour, court zapping caustique, et l’interlude Droit dans les Yeux, exercice d’entrevue très visuel. La chroniqueuse Sandrine Calvayrac voit ses yeux verts captés en gros plan et projetés sur un écran géant, face à l’invité. Un délire à la Big Brother. Pour la Saint Valentin, Cyrille Eldin embrassait sa compagne face-caméra, accusant une déconcertante impression d’entresoi. En la valorisant par cette trouvaille, il cligne de l’oeil aux éventuels détracteurs. S’ajoute à cela Le Petit Journal Présidentiel, suivi de la course à l’Elysée, preuve que l’émission renouvelée n’est finalement pas « moins politique » qu’avant. Enfin, la pastille Youpi ouvre la porte au people, parée d’une tonalité qui nous renvoie curieusement…à l’instant Petit Q du Quotidien de Yann Barthès.
Un concentré d’ironie
💥 On revient dès ce soir à partir de 20h10 et en clair sur @canalplus ! #LPJ pic.twitter.com/aoB51WTv23
— Le Petit Journal (@LPJofficiel) March 20, 2017
L’analogie est lâchée. Sachant qu’elle est inévitable, le trublion se gausse de la rivalité entre LPJ et le programme d’infotainment de TMC. « Décors minimalistes, canapé Conforama d’occaz’ et nouvelle équipe triée sur le volet« , voilà comment l’animateur décrit son « journal petit » le 20 mars, dans une brève autobio d’ouverture. Face au succès de Quotidien, l’aveu d’échec est lucide ou cynique, au choix. « Vous allez encore me dire que je fais ma victime !« , blague celui qui dans les pages du Parisien s’est pourtant attardé sur son image de « traître » et d' »homme à abattre« , dont il dit souffrir. Depuis ce spot promo sarcastique qui imagine l’acteur galérer sur une barque, paumé au milieu de l’océan tel Robinson, la situation n’a guère évoluée. Contre vents et marées, il est toujours compliqué de redresser la barre. « Tout ce qu’on pouvait faire de bien se retournait contre nous et les trucs biens, vous les avez jamais vus« , déplore-t-il.
Ce soir, notre invité est "le Highlander des journalistes", Monsieur @JP_Elkabbach ! #LPJ pic.twitter.com/iCO0ICtUFY
— Le Petit Journal (@LPJofficiel) March 20, 2017
En attendant, Cyrille Eldin tient le cap et fait la part belle à l’autodérision comme à l’ironie. Friand de provocations légères, l’ancien du Supplément qualifie Bolloré de gars « super cool« , réduit Benoît Hamon à un fumeur de pétards (running gag) et tacle le parti socialiste : « De quelle couleur vous voyez le mur ? Celui sur lequel la gauche va s’écraser ! », demande-t-il lors d’un meeting. Dans l’émission du 22 mars, c’est Philippe Poutou qui en prend pour son grade et se voit grimé en Caliméro. Le 21 mars, il laisse même l’humoriste Alex Vizorek, l’une des têtes d’affiche de France Inter, répondre sur son plateau à cette question-piège : « Toi qui prône l’humour intègre, pourrais tu travailler pour Bolloré, notre patron adoré ?« . Qu’il vante les mérites du businessman breton ou de Macron, l’animateur persiste sur la même voie, celle d’un humour ambigu qui a peu de chance de convaincre les plus réticents. « Oh, puis après tout, plus on a d’ennemis, plus on est tranquille« , semble se répéter Cyrille Eldin depuis fin septembre.
http://www.dailymotion.com/video/x5fqshn_l-interview-sans-confession-d-alain-minc-le-petit-journal-du-22-03-canal_tv
Jamais le dernier à rire de ses potacheries entre deux silences gênés (et face à un public sous perfusion), Eldin démontre qu’il est encore et toujours « un vrai faux-reporter, comédien avant tout« , d’où l’avalanche de citations littéraires, tirades qu’il pourrait tout à fait clamer sur les planches. Au bout de six mois, son florilège déborde de vers d’Alfred de Vigny ou la Bruyère, Racine ou La Fontaine. Vedette de la première, Jean-Pierre Elkabbach évoque même Victor Hugo. Et alors que Canal survit sous respiration artificielle, l’animateur s’amuse à piocher du côté de Winston Churchill : « Le succès c’est une succession d’échecs sans perdre son enthousiasme« . Et si c’était cela, le « bon sens populaire » ?
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