En France, on fait quelques trucs bien, notamment la cuisine et la mode. Pour dénicher les chef de demain, on a Top Chef, mais pour faire émerger les futurs Yves Saint Laurent, qu’est-ce qu’on a ? Pas grand chose. Explications. Relooking et actu mode décalée A un extrême du scope télévisuel, Fashion TV, des images […]
En France, on fait quelques trucs bien, notamment la cuisine et la mode. Pour dénicher les chef de demain, on a Top Chef, mais pour faire émerger les futurs Yves Saint Laurent, qu’est-ce qu’on a ? Pas grand chose. Explications.
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Relooking et actu mode décalée
A un extrême du scope télévisuel, Fashion TV, des images de défilés de mode au kilomètre pour animer les écrans des salons d’aéroport ou des bars d’hôtel lounge. Le degré zéro de l’information mode. A l’autre extrême, les désormais classiques émissions de relooking, notamment celles animées par Cristina Cordula, la “reine du shopping”, ou le coach de Belle toute nue William Carnimolla, sur M6. Entre les deux, donc, que reste-t-il pour former les téléspectateurs à la culture mode ?
D’un côté, des émissions qui traitent globalement la mode avec respect mais sans trop se prendre au sérieux, animées par celles qui représentent les visages de la mode dans le PAF : Mademoiselle Agnès et ses désormais mythiques Habillés pour… sur Canal+, Alexandra Golovanoff et La mode, la mode, la mode sur Paris Première ou Elisabeth Bost et A la vie à la mode sur Stylia.
http://youtu.be/_RSLKK6EOgA
De l’autre, des documentaires. C’est Arte qui en subventionne la majorité, en suivant une ligne éditoriale claire : traiter la mode comme un des éléments de notre culture contemporaine avec une approche pop et décalée. Ces dernières années, Loïc Prigent nous a fait découvrir les coulisses des maisons de couture la veille des défilés dans sa série Le jour d’avant. Fashion ! d’Olivier Nicklaus a décrypté les 3 dernières décennies de mode, et à la rentrée, Pop model, du même réalisateur, retracera l’évolution du mannequinat depuis les années 50 (à voir le 27 septembre). Leur audience est très bonne (le DVD de Fashion ! a été la meilleure vente de l’INA l’année de sa sortie) à l’image de la fréquentation des expos mode qui se sont multipliées ces dernières années (l’exposition Paris Haute Couture a reçu plus de 200 000 visiteurs en 2013). Signe que la culture mode n’est pas si élitiste et intéresse une audience bien plus large que les fashionistas ou les rédactrices mode.
Pourtant la télé française reste globalement rétive à la mode, encore synonyme de divertissement cheap ou d’une émission rigolote. Malgré le succès de Top Chef, aucune chaîne ne s’est, comme c’est le cas aux Etats Unis, encore lancé dans une déclinaison mode du concours de cuisine, alors que le milieu ne manque pas d’atouts : un univers impitoyable, des créateurs excentriques et de dizaines de jeunes pousses qui essaient de percer. Pourquoi ne pas utiliser cette puissante caisse de résonance qu’est la télé pour promouvoir la jeune création et faire émerger les Yves Saint Laurent de demain ?
Olivier Nicklaus, réalisateur de la série Fashion!, apporte un début de réponse : “C’est justement parce qu’on est en France que c’est compliqué”. Le pays qui a vu naître la haute couture est animé d’un respect ultime pour la création et les créateurs, mis sur un piédestal incompatible avec l’idée d’un passage à la télé, vu comme une vulgarisation bas de gamme. Là où les Américains ont une vision décomplexée et commerciale de la mode, la France la prend au sérieux.
Deuxième frein majeur : le contrôle de l’image. Tous les créateurs de mode ne sont pas d’aussi bons clients qu’un Karl Lagerfeld ou un Jean-Paul Gaultier, qui ont su tirer parti de la télévision en s’y montrant beaucoup à une époque. S’ils ne sont pas aussi radicaux qu’un Martin Margiela, refusant de montrer son visage, on voit mal Raf Simmons ou Hedi Slimane sur un plateau télé. Et alors que les directeurs artistiques croulent déjà sous le travail (et on se souvient du résultat avec Galliano), on n’imagine pas les groupes de luxe leur imposer des sessions de média training intensifs pour éviter les bourdes.
Ce contrôle s’étend aussi aux backstages des défilés : montrer l’arrière-cuisine de la mode, pas toujours glamour, pourrait vite tourner au désastre de com’. Une sorte de tabou plane sur cette face cachée de la mode, dont Loïc Prigent lève légèrement le voile avec un humour à la limite du sarcasme. Une position quasi unique dans un milieu ou le “journalisme mode” a du mal à rester indépendant, tributaire plus qu’ailleurs du bon vouloir des marques, et où gagner la confiance des créateurs est le privilège de quelques happy few.
Des freins côté diffuseurs
S’il y a un frein du côté mode, il y aussi un frein du côté télé. Hugo Lopez, réalisateur d’A la vie à la mode, évoque notamment les réticences des diffuseurs à parler d’une mode qui n’est pas accessible à son audience : trop compliqué (franchement, qui comprend le calendrier de la Fashion Week, où on présente l’été en hiver, 12 mois à l’avance ?), trop frustrant (qui peut vraiment s’offrir les pièces des défilés?), trop verrouillé (impossible de faire du sensationnel dans un milieu où toute communication est hyper contrôlée).
Est-ce que ça va changer un jour ? Peut-être.
A la rentrée devrait débarquer sur D8 l’adaptation de l’américain Project Runway (concours de mode pour jeunes créateurs, animé par Heidi Klum, qui offre la possibilité de défiler à la Fashion Week de New-York), mais pour le moment, impossible d’obtenir des informations sur le casting côté créateurs comme côté jury. On peut donc rêver à Nicolas Ghesquière en juré, et à Diane Pernet en présentatrice, même si l’on pressent qu’on risque plus d’y voir Christian Audigier et Afida Turner. Sur M6, Cristina Cordula va animer un concours de mode, Cousu main, mais qui opposera des amateurs. On sait que Karl Lagerfeld a-dooooore Cristina, mais on ne sait pas en revanche s’il a décidé de faire un caméo dans l’émission…
Alicia Birr
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