Difficile de contrôler son image sur le net. Si des entreprises proposent des “nettoyages d’identité”, ne vaut-il pas mieux instaurer un droit à l’anonymat ?
Taper son nom sur Google : ce qui n’était il y a quelques années qu’un simple passetemps amusant est devenu une véritable préoccupation… au point que, selon une enquête, 40 % des Américains s’y livreraient tous les jours. Et pour cause : la “google-isation” (le fait de rechercher des informations sur quelqu’un via un moteur de recherche) a désormais dépassé le cadre de l’entourage pour gagner le monde professionnel et les mésaventures de candidats à l’embauche refusés pour cause de “mauvaise réputation” numérique font régulièrement la une des médias.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
De fait, il semble bien que la e-reputation, notion encore floue pour la grande majorité des internautes, soit amenée à devenir une question majeure.
Certains spécialistes de la question en France, comme Emilie Ogez, affichent ainsi un nombre croissant de followers sur Twitter, désireux d’en savoir plus sur la façon de mieux contrôler son image virtuelle. “Sur le net, tout le monde devient une personnalité publique, explique Jean-Marc Manach, journaliste spécialiste des questions de protection de la vie privée. Le web 2.0 a donné naissance à un nouveau paradigme : celui du “e-branding”, soit le fait que l’identité de chacun est assimilée à une marque. D’où l’importance de savoir faire ce qui auparavant ne concernait que les politiques et les people : gérer sa visibilité sur le web.”
S’engouffrant dans la brèche, les sociétés de “nettoyage d’identité” se sont multipliées aux Etats-Unis. Reputation Defender, Itrust ou Claim ID proposent toutes plus ou moins le même service : effacer des résultats des moteurs de recherche les éléments que l’on juge nuisibles à sa réputation, des photos d’un anniversaire trop arrosé à la contribution pas très pertinente postée sur un forum. Olivier Iteanu, auteur de L’Identité numérique en question raconte : “Les traces que nous laissons de nous sur le net sont de plus en plus nombreuses : il y a les fichiers qui conservent notre nom (par exemple la liste des résultats du bac), ce que les autres disent de nous (notamment sur les réseaux sociaux), les infos que nous donnons nous-mêmes, et enfin les identifiants qui permettent de nous retrouver, comme nos adresses IP de connexion. Face à tout cela, il devient très difficile de maîtriser l’image que l’on donne de soi.”
Rien d’étonnant donc à ce que ces entreprises connaissent un succès fulgurant : leader sur le marché, la société Reputation Defender a ainsi dégagé un chiffre d’affaires de 22 millions d’euros en 2007. Si les “nettoyeurs” restent discrets sur leurs méthodes, il n’empêche qu’elles sont bien connues des spécialistes. Olivier Iteanu : “En réalité, il est très difficile de supprimer définitivement une information du web. La méthode la plus couramment employée est celle du “bombing”, c’est-à-dire bombarder le net d’autres éléments sur la personne pour l’enfouir tout en bas des résultats de recherche.” Une autre solution consiste à contacter les supports de diffusion et à négocier le retrait de l’information.
Ce recours à des nettoyeurs apparaît bien comme un symptôme du flou qui entoure les usages du net : où s’arrête la liberté d’expression et où commence la vie privée ? Les spécialistes sont partagés. Pour Olivier Iteanu, “une solution pourrait être de promulguer un droit à l’anonymat, c’est-à-dire le droit de ne pas être cité sans autorisation préalable, sur le modèle du droit à l’image, mais étendu à tous les attributs de la personnalité”, alors que d’autres, comme Jean-Marc Manach, plaident pour un apprentissage raisonné du net : “La meilleure solution pour protéger son identité numérique consiste à publier soi-même des informations qu’on contrôle : par exemple, créer son site ou son blog qu’on alimente régulièrement suffit pour le faire apparaître en tête des résultats de recherche.” Les nettoyeurs seraient dès lors rendus superflus par une prise de conscience collective. Jean-Marc Manach : “Si on commence à se reposer sur ce genre de sociétés, on aura un espace internet régi uniquement par des vigiles ou des conseillers en communication. Plus chacun saura gérer sa propre e-reputation, plus le web sera vraiment un espace démocratique.”
{"type":"Banniere-Basse"}