Tous les six mois, Rage de nuit organise une marche dans Paris. Le principe : une marche féministe, radicale, et surtout, non mixte.
« Est-ce que vous avez des doléances particulières ? » La question de l’officier de police laisse les filles perplexes. « Bin euh… en finir avec le machisme quoi ! » finit par répondre l’une d’elles. Réunies à l’appel du collectif Rage de nuit et de nombreux réseaux lesbiens, une soixantaine de filles se sont rassemblées devant l’hôpital Tenon, sur les hauteurs du 20ème arrondissement. Le principe : organiser une marche non-mixte pour occuper la rue. « Il n’y a pas d’espace de non mixité politique. On veut se réapproprier l’espace , montrer qu’on a pas besoin d’être accompagnées », explique Lola, la trentaine, l’une des organisatrices.
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« On a envie de dire aux hommes : laissez-nous occuper la rue, on n’a pas besoin d’être protégées », continue Karima, 31 ans, metteur en scène.
La première marche de nuit a eu lieu il y a trois ans. Depuis, le collectif essaie d’en organiser une tous les 6 mois. « En novembre dernier, il y avait 300 personnes », raconte Lola. Manque de chance, ce soir là, la foule n’est pas au rendez-vous. 70 personnes maximum, plus difficile d’occuper la rue dans ces conditions.
D’autant plus que la manifestation n’est pas déclarée. Seul un officier en civil est là en cas de débordement. Les filles organisent donc elles-mêmes leur service d’ordre.
« C‘est un choix de pas déclarer la manif. On en avait marre de demander la permission. Ca contredirait toute notre démarche », se justifie Marie.
L’organisation est un peu chaotique, les filles ont du mal à définir un parcours. « Si les keufs font pas la circulation, on est dans la merde », souffle l’une d’elle. « Mais non, on reste bien groupées et puis on va prendre des petites rues », tente de rassurer une autre. « Oui c’est bien comme ça personne nous verra », grince une participante.
Bon gré mal gré, la marche se met finalement en route. « La rue est à nous » ou « De l’air, de l’air, féministes solidaires », les slogans sont les mêmes qu’à la marche des salopes mais les féministes ont ici troqué leurs talons et bas résilles contre le jean-baskets. Et surtout, les hommes ne sont pas les bienvenus. les rares garçons qui se risquent à marcher à leurs côtés se font éconduire sèchement. Un photographe qui tente de couvrir la manifestation est même violemment pris à parti. Quant au policier, bien que toléré, s’il s’approche trop près du groupe, on lui demande fermement de regagner le trottoir.
« Calmos hein, la rue est un espace public, elle est à tout le monde », finit-il par répondre, un peu excédé par cette bande de filles en colère.
Rares sont celles qui acceptent de se présenter et d’expliquer leur démarche, allant même jusqu’à traiter les journalistes de RG. un peu contradictoire avec la volonté d’être visibles. Elles sont là pour occuper la rue, un point c’est tout. Tant pis si leur message n’est pas compris
Sur leur chemin, les regards sont curieux. Deux hommes passent en disant « ah, c’est pour DSK », une femme les houspille « vous avez rien compris au féminisme ! ». Quentin, 33 ans, regarde la marche d’un air dubitatif
« C’est bizarre cette manifestation microscopique. Et puis c’est un peu manichéen, un peu caricatural comme démarche. Dans la vraie vie, c’est pas un monde de femme contre un monde de mecs ».
Certaines voitures, bloquées et excédées, xlaxonnent, mais les filles ne leur prêtent pas attention et certaines vont même jusqu’à prendre les conducteurs à parti. « On est pas assez nombreuses » regrette participante. Emilie, 31 ans, quant à elle, cite Amel Kateb, une réalisatrice algérienne pour justifier sa venue. Et tant pis si elles ne sont pas beaucoup : « Il faut crier, toujours crier même si ça ne change rien. Mais pour empêcher que ça nous change nous ».
Comme pour lui faire écho, le policier, un peu débordé, souffle dans son talkie walkie « Il n’y a pas de leader, j’ai pas l’impression qu’elles savent où elles vont ». Au vu du désordre, on pourrait dire qu’il n’est pas le seul.
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