Lieu devenu incontournable, la Machine du Moulin Rouge a su se réinventer pour proposer une programmation riche et complexe, qui contribue à décloisonner les formats traditionnels de la fête. Pour évoquer ces questions, on en a posé cinq à Julien Boisseau, responsable de la communication de la salle et fin penseur de la teuf parisienne. […]
Lieu devenu incontournable, la Machine du Moulin Rouge a su se réinventer pour proposer une programmation riche et complexe, qui contribue à décloisonner les formats traditionnels de la fête. Pour évoquer ces questions, on en a posé cinq à Julien Boisseau, responsable de la communication de la salle et fin penseur de la teuf parisienne.
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En quoi la Machine a-t-elle changé ces dernières années ?
Quand j’ai rejoint Sinny & Ooko à la Machine, les gens parlaient encore de la Loco… Ensemble, on a dû se battre contre l’image merdique du lieu. Il y avait un vrai problème de communication. J’ai donc voulu apporter ce que j’avais réussi à faire avec le collectif Sonotown. C’est-à-dire travailler davantage sur le côté promoteur, organisateur d’évènements, et pas uniquement sur la salle en tant que réceptacle. La Machine est maintenant un véritable lieu de vie, comme ont pu l’être avant le Glazart, le Comptoir Général, le Divan du Monde… On a été dans les premiers à y faire des soirées d’ampleur sur des programmations pointues orientées house et techno. Le lieu avait besoin d’un nouveau souffle sur la musique électronique, quelque chose de plus alternatif.
C’est important de développer de nouveaux formats, comme les Sunday Roast récemment ?
Disons qu’on est assez frustrés d’avoir un club à Paris qui fait des milliers de mètres carrés, et qui n’est ouvert que trois jours par semaine. Développer des formats sur les dimanches, les mercredis… faire de la gratuité… ça permet de faire connaître le lieu sur d’autres activités. Le club, c’est une vision un peu périmée, très 90’s, où la musique électronique était encore considérée comme un truc de drogués. Pour nous, une vision moderne, c’est de faire évoluer les salles en lieux de vie. C’est une question de génération : aujourd’hui, à 32 ans, je sais que ça me gave d’aller voir un artiste le samedi soir à 4h. Alors qu’un petit live au Point Ephémère à 20h, ça me fait tripper. On essaye de déformater le club, de sortir des idées autour des vendredis et samedis de minuit à 6h. On veut rendre les choses moins agressives.
Comment concilier les teufs electro pointues, la diversité des concerts et les soirées plus mainstream ?
Au début, ce n’est pas super évident. Mais je pense que c’est important de multiplier les genres musicaux, de marier des choses confidentielles avec d’autres plus grand public. Être trop spécialisé, trop puriste, trop dans une esthétique particulière, ça représente un risque d’enfermement. A la Machine, quand tu passes d’une soirée We Are The 90’s à une soirée Sonotown, et que le public lambda ne comprend pas ce qui lui arrive, ça peut aussi être un problème. Mais au fond, c’est tant mieux : ça multiplie, ça enrichit les publics. A la Machine, on a à la fois un public lesbien qui vient pour les Wet For Me, un public un peu kids pour le dubstep des soirées Splash, un public un peu fashion pour les Embrace, un public peut-être plus geek, plus sombre, pour les Sonotown… J’ai très peur du purisme en musique. S’enfermer dans un genre, c’est forcément dangereux.
Comment définirais-tu l’identité de la programmation ?
On ne produit pas nous-mêmes toutes nos soirées. Le fil conducteur, c’est de s’affilier avec un panel de promoteurs révélateurs du paysage musical du moment. On peut aussi se définir en fonction de ce qu’on ne fait pas : on ne fait pas de reggae, pas de drum’n’bass… Même si on pourrait, au fond. Mais on aurait du mal à faire ce qu’on veut qualitativement, car on ne s’y connaît peut-être pas assez bien. Ce qu’on veut, c’est continuer à concilier les esthétiques différentes en s’appuyant sur des promoteurs référents dans leur style. C’est de toutes ces dynamiques que naît une ligne directrice globale.
La vie nocturne du quartier est-elle un facteur important pour la Machine ?
Il y a un vrai particularisme à Pigalle, c’est un des seuls quartiers à Paris ayant une vraie identité. C’est un centre névralgique de la nuit parisienne. Il y a la Cigale, le Trianon, le Divan du Monde, le Bus Palladium… La Machine, c’est le gros club du quartier. C’est un peu notre territoire. Et on ne peut pas se plaindre du manque de passage aujourd’hui. Les Grands Boulevards ont beaucoup perdu de leur attrait. Avant il y avait le Pulp, le Triptyque… On bénéficie de toutes les populations parisiennes qui montent dans le nord, et des lieux proches comme Chez Moune, le Carmen, le Sans Souci… Il y a un vrai dynamisme, et une bonne cohabitation entre les différents lieux.
Propos recueillis par Maxime de Abreu
Photos Rémy Golinelli pour OOO Communication
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