L’Irlande est un des derniers pays d’Europe à interdire l’IVG. Depuis 2013, le collectif Speaking of Imelda utilise l’humour afin d’éveiller les consciences sur ce scandale. Le référendum du 25 mai pourrait enfin lui donner gain de cause.
Londres, octobre 2014. Un dîner de levée de fonds chic, organisé pour la venue du Premier ministre irlandais de l’époque, Enda Kenny, dans la capitale anglaise. Soudain, les conversations s’interrompent et les regards se tournent vers deux jeunes femmes, qui font irruption dans la salle.
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“Bienvenue en Angleterre, monsieur le Premier ministre ! scandent-elles à l’unisson. Ce pays où, chaque jour, douze Irlandaises en moyenne viennent avorter dans la clandestinité, souvent seules et en secret.” H. sort de sa poche une petite culotte sur laquelle est écrit “Enda, abroge le huitième amendement !”, la pose sur l’assiette d’Enda Kenny avant d’être évacuée par la sécurité. Les activistes peuvent se réjouir : l’opération “Knicker-bombing” (“bombardement de culottes”) est une réussite. Elle a même pu être filmée – la vidéo sera diffusée pour lancer la campagne #Knickers for Choice.
“Un groupe de féministes pratiquant la performance interventionniste”
Sur son site, Speaking of Imelda se définit comme un “groupe de féministes qui pratique la performance interventionniste”. Des actions coup de poing, façon Pussy Riot, dans des lieux publics ou lors de grandes manifestations. Leur mission : dénoncer ce fameux huitième amendement, qui criminalise l’avortement en Irlande.
Inscrit dans la Constitution depuis 1983, celui-ci donne au fœtus les mêmes droits que la mère qui le porte. L’IVG est ainsi considérée comme un crime, passible de quatorze années de prison. Jointe par téléphone, H. préfère qu’on ne cite pas son nom étant donné le caractère illégal des actions qu’elle conduit avec ses consœurs.
“Nous sommes un collectif non hiérarchique, intergénérationnel, de femmes irlandaises vivant à Londres,” précise-t-elle. L’acronyme Imelda signifie “Ireland Making England the Legal Destination for Abortion” (“L’Irlande fait de l’Angleterre la destination légale pour l’avortement”).
“Pourrais-je parler à Imelda ?”
C’est aussi ce prénom qui est mis en place comme un nom de code depuis les années 1980 pour aider ces cinq mille femmes qui doivent franchir chaque année la frontière. Un numéro de téléphone où l’on peut appeler incognito, vu le caractère illégal et tabou de l’IVG dans la très catholique Irlande. “Pourrais-je parler à Imelda ?”, faut-il indiquer.
Le référendum du 25 mai, qui proposera aux Irlandais de se prononcer sur le huitième amendement, pourrait mettre fin à ce calvaire. Dans ce contexte, H. et ses consœurs mènent depuis deux mois une campagne tambour battant, qui les a conduites à la rencontre de leurs concitoyens, de villes en villages, pour tâcher de convaincre les indécis et dont on peut visionner les épisodes sur le site speakingofimelda.org. Quelle que soit l’issue du référendum, Speaking of Imelda est déjà mobilisé par le prochain combat : l’Irlande du Nord, où l’avortement continue aussi d’être illégal.
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