Le 18 mai, le tribunal de Paris a condamné Google pour suggestion d’injure publique envers une entreprise dont le nom était systématiquement associé au mot « escroc ». En cause, le service de saisie semi-automatique Google Suggest qui, d’après la justice, peut entrainer « un effet boule de neige ».
Sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’entreprise la Lyonnaise de garantie –sorte d’agence de courtage vendant ses services aux professionnels de l’immobilier– a fait condamner, le 18 mai, la société Google Inc. et son directeur de publication pour suggestion d’une expression injurieuse.
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Contacté par les Inrocks, un porte parole de Google assure avoir reçu aujourd’hui même la notification de cette décision. La firme de Mountain View devrait désormais, dans un bref délai, modérer son service de saisie semi-automatique Google Suggest afin qu’un internaute, tenté de saisir dans la barre de recherche Google le nom de l’entreprise plaignante, ne voit plus sa demande prolongée par le mot « escroc », et ce, sur les adresses www.google.fr (France), google.be (Belgique), google.uk (Royaume-Uni), google.es (Espagne), google.it (Italie), google.ca (Canada).
Théoriquement, selon le centre d’aide de recherche sur le Web de Google « les requêtes renvoyées par la saisie semi-automatique de Google Suggest sont déterminées, par le biais d’un algorithme, en fonction d’un certain nombre de facteurs objectifs (dont la popularité des termes de recherche), sans intervention manuelle. »
C’est la ligne de défense que Google avait adopté dans cette affaire: impossible de reprocher à un algorithme d’orienter les internautes, puisque la tendance à associer tel nom à tel mot existe en dehors de toute intervention du moteur de recherche. Albéric Guigou, co-fondateur de Reputation Squad, entreprise proposant de gérer l’e-réputation de particuliers ou d’entreprises, donne un exemple illustrant ce phénomène visiblement « classique » sur le Web:
« Quand des clients désirent utiliser les services d’une voyante dont les services et l’entreprise sont parfaitement légaux, par suspicion, nombre d’entre eux vont tout de même y ajouter le mot « arnaque » pour voir si des informations sont déjà sorties sur la voyante en question. A force de réactions similaires, le mot « arnaque » sera proposé par Google Suggest automatiquement lorsque d’autres internautes entreront le nom de la voyante. »
Dans sa décision, la 17e chambre du Tribunal de grande instance de Paris a qualifié ce phénomène d' »effet boule de neige »:
« L’item litigieux qui n’est nullement saisi par l’internaute mais apparaît spontanément à la saisie des premières lettres de sa recherche… est incontestablement de nature à orienter la curiosité… et ce faisant, de nature à provoquer un « effet boule de neige »… »
Pour le tribunal, quand la Lyonnaise de garantie notifie ce problème à Google, une intervention humaine postérieure était tout à fait possible pour « rectifier les suggestions jusqu’alors proposées« . Argument du juge: Google le fait déjà pour tout ce qui touche à la pornographie, la violence ou la contrefaçon de certains contenus.
Le porte-parole de Google rétorque que, suivant les cas, cela peut être plus compliqué étant donné que l’association d’une marque ou d’un particulier au mot « escroc » n’est pas « en soi diffamatoire et peut même s’avérer informative« .
Dans cette affaire, le tribunal a jugé Google coupable et a demandé la suppression de la suggestion litigieuse sous astreinte d’indemnisation. Pour autant, le porte-parole du leader mondial de la navigation sur le Web précise aux Inrocks que « d’autres tribunaux, dans des cas similaires, n’ayant pas interprété la loi dans le même sens que la 17e chambre, il est trop tôt pour dire si cette décision fera jurisprudence pour nous« .
Une analyse que ne partage pas sur son blog maître Anthony Bem, avocat spécialiste en contentieux des nouvelles technologies. Pour lui, ce jugement obligerait désormais Google à supprimer « spontanément les résultats litigieux de son application Google Suggest sauf à engager sa responsabilité ».
Geoffrey Le Guilcher
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