Au dos des T-shirts ou des blousons, cette langue ancienne fait l’objet d’une nouvelle pop-ification. Un blouson Teddy à l’américaine sur le dos duquel on lit habituellement le nom d’un college imaginaire, d’une équipe de rugby, ou en guise de famille moderne, “Kitsuné”, “Pigalle” ou “Paris Nord”. Là, ce sont des mots plus inattendus qui […]
Au dos des T-shirts ou des blousons, cette langue ancienne fait l’objet d’une nouvelle pop-ification.
Un blouson Teddy à l’américaine sur le dos duquel on lit habituellement le nom d’un college imaginaire, d’une équipe de rugby, ou en guise de famille moderne, “Kitsuné”, “Pigalle” ou “Paris Nord”. Là, ce sont des mots plus inattendus qui sont venus orner ce must branché de la saison : “Yiddish Mamma”, association de la langue ancienne du peuple juif ashkénaze et de la “mamma” italienne.
La marque parisienne, lancée par Camille Brami, jusque-là attachée de presse, propose T-shirts, sacs en toile et basiques sportswear ornés d’expressions yiddish. Elle se positionne entre jeu enfantin d’apprentissage et désir de réinjection de cette langue ancienne dans un monde urbain moderne et mercantile. “Il faut donner une incarnation tangible et ludique à cette culture, et savoir en parler sans pleurer”, explique sa fondatrice. Parlée par 11 millions de juifs avant l’Holocauste, elle n’est plus désormais pratiquée que par 600 000 personnes.
Aujourd’hui, elle fait partie de la culture et de l’argot de masse américains : l’acteur Larry David, le New York Times ou la comédienne Sarah Silverman n’hésitent pas à régulièrement employer des expressions yiddish. Cette langue atteint un nouveau niveau de popification, souvent détaché de la confession juive, s’ouvrant ainsi au restant du monde. On pense aux aimants à frigo, aux canards en plastique déguisés en loubavitch ou aux pintes “Mazel Tov Bitches” (“félicitations bande de tasspés”) dans les boutiques Urban Outfitters, au rappeur Drake qui apparaît sur le show Saturday Night Live et présente un sketch parodiant sa bar-mitsvah.
La nouvelle attractivité de cette culture serait-elle le symptôme d’une quête spirituelle dans les métropoles ? Le yiddish, en mutation incessante par son histoire diasporique, promeut une identité dénuée de territoire géographique. Ne serait-elle pas l’ancêtre de la mode glocale (“locale” et “globale”) dans la consommation actuelle ? Une bonne nouvelle : comme le raconte la pièce culte Comment devenir une mère juive en dix leçons (Paul Fuks), on n’a besoin ni d’être juif, ni d’être une mère pour être une mère juive. Mazel Tov.
Alice Pfeiffer