Diffusé ce dimanche sur LCP, le documentaire “Femen : Naked War” de Joseph Paris offre une plongée exceptionnelle au cœur du mouvement féministe et questionne, à travers l’engagement politique, la place de l’image et du corps dans leurs actions.
Dans le cheminement de Joseph Paris, tout part d’une image. Celle d’Alexandra Sacha Chevchenko sur la place du Trocadéro à Paris, en 2012. « Personne ne veut se rappeler que la moitié de la planète – la moitié ! – est encore à l’état de servitude. » Si les premiers mots de la cofondatrice des Femen sont pour le combat qu’elles mènent au quotidien, c’est un autre regard que souhaite apposer Joseph Paris sur le mouvement anciennement ukrainien, aujourd’hui mondial.
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Un regard sur l’image, sur le film qui se tisse sous ses yeux. « Plutôt que de faire un film, il est intéressant de filmer le film« , dixit Benoit Goetz, professeur de philosophie à Metz, qui intervient dans le documentaire. Pendant plus d’un an, Joseph Paris a suivi les Femen jusque dans les moments les plus intimes et violents de leurs actions, pour filmer leur film.
Des images fortes qui prennent le contrôle sur le film
Une expression qui renvoie à un constat : “En revoyant mes images, je songeais que si j’avais filmé cette scène d’un angle différent, que si j’avais changé de focale ou adopté un autre choix de montage, le résultat aurait été sensiblement le même. On y verrait les mêmes corps nus, en vulnérabilité, dans une lutte inégale avec des forces plus nombreuses, habillées, armées, et violentes. Je tenais la caméra, mais c’est elles qui avaient fait le film”, songe Joseph Paris à travers la voix de Vincent Dedienne, narrateur du film. Un constat qui fait suite à la manifestation de Civitas que les Femen vont venir perturber alors que la France se déchire à propos du mariage homosexuel.
#DimanchePol : "C'est malhonnête de dire que quand on attaque les religions on attaque les croyants" déclare Inna Shevchenko @Femen_France pic.twitter.com/Srv1zjhMRB
— CNEWS (@CNEWS) March 12, 2017
« Tendre un piège aux imbéciles »
Lors de cette manifestation, les Femen subissent la haine des opposants au mariage homosexuel de façon violente. Et les images montrées sont crues. Des coups, des cris, des courses poursuite pour échapper au GUD. Mais c’est peut-être là que se trouve toute la stratégie des Femen. « Comme disait Foucault, il n’y a de courage que physique« , cite Benoît Goetz, admiratif de ces femmes qui vont au combat sans arme face à des adversaires bien hostiles. Pour Joseph Paris, la vulnérabilité apparente des Femen est une façon de mettre en lumière cette brutalité, et de « tendre un piège aux imbéciles« .
Des imbéciles, les Femen en croiseront d’autres durant cette année magnifiquement rythmée au piano par Pierre Paris. A la cathédrale Notre-Dame de Paris, leur action pour célébrer le départ du pape prend des allures de cinéma expérimental quand, plongés dans le noir par un service d’ordre qui veut les évacuer sans que les caméras ne puissent filmer correctement, les journalistes se mettent à illuminer la scène de leurs flashs. Pour Annie Le Brun, écrivaine qui connaît bien le mouvement, la symbolique de ces images est forte. En se plongeant dans le noir pour frapper ces femmes désarmées, l’Eglise replonge dans l’obscurantisme.
https://twitter.com/FEMENSWE/status/846327172910501889
« Les hommes ne sont pas stupides »
La question du corps dans les actions des Femen a été la source de nombreux débats. Est-ce féministe de se montrer nu ? N’est-ce pas jouer le jeu du patriarcat en assumant que pour qu’une femme soit remarquée, il faut voir ses seins ? Dans une réunion publique à Paris, Sasha Chevchenko met les choses au clair : « Les hommes ne sont pas stupides et savent faire la différence entre une prostituée, une femme qui essaye de les séduire, et une femme qui proteste. »
Pour Joséphine Marchmann, Femen en Allemagne dont le témoignage est montré quelques minutes plus tôt, “Les actions des Femen sont une sorte de féminisme pop, qui utilise les médias d’aujourd’hui en fabriquant des images puissantes, et c’est ça qui les rend plus fortes.”
Une chose est sûre, les actions des Femen dérangent l’ordre dans une société prétendument libérée où la nudité n’est pas censée être subversive. En ne cherchant pas à poser de façon séduisante, en se servant du corps pour envoyer un message écrit et donc brouiller les messages que nous avons l’habitude de recevoir d’un corps nu, les activistes sont parvenues à créer un moyen de lutte unique en son genre.
Cette réflexion, Joseph Paris propose de la suivre à travers des témoignages et des images de préparation de leurs interventions saisies sur l’instant, dans lesquelles s’exprime toute la joie de vivre des Femen. Avec cette question qui reste au bout d’une heure en suspens : jusqu’où s’exposer et se mettre en danger pour la cause ? Sorti en 2014, le documentaire est à revoir en streaming sur le site de LCP.
https://www.youtube.com/watch?v=gSFYZ4I5ng0
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