Peut-on parler de chasse aux sorcières ? Alain Bauer fait partie des quelques “sarkoboys” écartés de leurs fonctions à peine François Hollande arrivé au pouvoir.
C’est l’une des premières victimes de l’alternance. Alain Bauer, grand pape de la criminologie et conseiller officieux de Nicolas Sarkozy en matière de sécurité, vient de voir sa « science » refoulée aux portes de l’université. À la fin du quinquennat de son mentor, un arrêté ministériel éclair avait élevé la « crimino » au rang de discipline universitaire autonome, au même titre que les maths ou la philo.
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Cette institutionnalisation d’une discipline jusqu’ici enseignée de manière confidentielle dans une quarantaine d’universités, et dont il s’est fait l’ardent défenseur, n’a pas survécu à l’arrivée de la gauche au pouvoir. Le 21 août, un discret arrêté du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche publié au Journal officiel a entériné sa suppression.
« Cette décision signe la défaite du petit clan de lobbyistes autour d’Alain Bauer », se réjouit Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS. « Cette entreprise de légitimation intellectuelle avait réussi à fédérer contre elle l’unanimité du monde scientifique et universitaire. »
Interrogé, Alain Bauer grogne. « Cette décision est aussi politique dans le sens de sa suppression que dans celui de sa création. Je regrette que la ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, ait choisi l’oukase plutôt que le débat scientifique. » Homme aux fidélités successives, passé de Michel Rocard à Nicolas Sarkozy (qu’il a suivi de la Place Beauvau à l’Élysée), Alain Bauer a progressivement démissionné de toutes ses présidences officielles (Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques et, enfin, Groupe de contrôle des fichiers de police et de gendarmerie) à l’arrivée de François Hollande au pouvoir. Et ce malgré l’amitié de 30 ans qui le lie à Manuel Valls. Redevenu simple consultant en sécurité, il conserve un ultime point de repli en dehors du monde universitaire, au sein duquel il risque de devoir livrer une nouvelle bataille.
Nommé professeur au Conservatoire national des arts et métiers par décret présidentiel le 25 mars 2009, le « monsieur sécurité de Nicolas Sarkozy » continue en effet d’occuper la chaire de criminologie appliquée au Cnam. Un mois avant la fin du mandat de l’ex-président, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche avait également annoncé son intention de créer un pôle national de criminologie constitué de deux postes de professeur des universités, deux postes de maître de conférences et un poste d’ingénieur d’études.
« Ce parachutage représente la quintessence de l’influence qu’Alain Bauer pouvait avoir sur l’exécutif », analyse le député Jean-Jacques Urvoas, secrétaire national chargé de la sécurité au PS.
« Alain Bauer tente de faire au Cnam ce qu’il n’a pas obtenu juridiquement au niveau national », prévient pour sa part Antoine Bevort, président du conseil scientifique du Conservatoire. Une réunion sous l’égide de l’administrateur général du Cnam, Christian Forestier, doit avoir lieu début septembre pour débattre de l’avenir de ce pôle. « Maintenant que les postes ont été créés, il sera difficile de les supprimer », veut croire Alain Bauer.
De son côté, Antoine Bevort en espère la suspension définitive : « Le conseil des formations du Cnam, tout comme son conseil scientifique refusent l’instrumentalisation du Conservatoire au profit d’une demande politique. L’affectation de ces moyens doit aller aux priorités pédagogiques du Cnam ». À défaut d’être enseignée, la criminologie n’a pas fini de susciter le débat.
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