Les Echos censurent la conclusion d’une chronique alors qu’elle citait très brièvement François Ruffin, réalisateur de Merci Patron!, fondateur du journal Fakir et désormais élu député dans la Somme. Un geste anachronique qui attise la colère des journalistes.
Consterné, la Société des Journalistes (SDJ) des Echos a publié un communiqué ce lundi 26 juin pour dénoncer des « agissements qui ternissent l’image du journal, alors que chacun de ses journalistes s’efforce chaque jour d’en assurer la qualité et l’intégrité, en toute indépendance« . L’organisation syndicale rappelle « plus que jamais, 10 ans après le rachat des Echos par LVMH, le caractère impérieux de l’indépendance de la rédaction« .
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Communiqué de la SDJ des Echos du 26/06/2017 pic.twitter.com/BG543V6hs2
— SDJ Les Echos (@SDJ_LesEchos) June 26, 2017
Censurer pour « ne pas faire de pub »
Michel Broué, auteur d’une chronique amputée, avait raconté sur son blog hébergé par Mediapart: « Je ne m’étendrai pas sur le caractère complètement inhabituel de ce comportement, ni sur sa grossièreté. Mais le pourquoi me taraude, déplore-t-il avant d’enchaîner, serait-ce qu’il est interdit, dans un journal possédé par Bernard Arnault, de faire référence avec un égal respect à Cédric Villani et à François Ruffin? ».
La chronique, restituée dans sa totalité sur Mediapart, évoquait en effet François Ruffin, auteur du documentaire Merci Patron qui visait particulièrement le milliardaire Bernard Arnault, propriétaire des Echos: « j’espère de tout coeur que l’Assemblée Nationale acceptera la lavallière de Villani et la non-cravate de Ruffin« .
Dans un souci de transparence, Michel Broué rapporte également la réponse du rédacteur en chef des Echos.
« J’ai en effet pris la liberté de couper cette phrase pour la simple raison suivante : François Ruffin passant le plus clair de son temps à dénigrer notre journal dans des termes qui ne sont pas de l’ordre du débat – légitime – mais systématiquement caricatural, nous nous efforçons de faire le moins de publicité possible à ce personnage. »
La fameuse « oligarchie », toujours pas remise de Merci Patron! ?
Pression venue d’en haut ou auto-censure, le résultat est le même. Le « personnage » semble banni des colonnes du journal jusqu’à son nom.
Sur son blog, François Ruffin se défend. « D’abord, j’ai vraiment plein d’autres choses à faire dans la vie que d’injurier la gazette de Bernard Arnault » avant de se déclarer « immensément peiné » en tant que lecteur régulier. Il profite du moment pour réitérer son invitation à débattre avec Dominique Seux, directeur de la rédaction « qui se débine jusqu’ici« .
Je profite de cette polémique pour renouveler mon invitation à débattre avec Dominique Seux qui se débine jusqu’ici. https://t.co/oGRdYi8FyO
— François Ruffin (@Francois_Ruffin) June 26, 2017
Pour rappel, Merci Patron ! suit le parcours de Jocelyn et de Serge Klur qui perdent leur emploi chez une filiale du groupe LVMH suite à la délocalisation de leur usine en Pologne. Criblés de dettes et sur le point de perdre leur maison, le couple sollicite l’aide du milliardaire Bernard Arnault.
Récidive de censure
En 2016, un communiqué (retranscrit par Acrimed) des syndicats SNJ, FO, SNJ-CGT et de la Société des Journalistes du Parisien, accusait le quotidien de censurer Merci Patron !. Alors qu’il faisait l' »objet d’un énorme buzz sur les réseaux sociaux« , le communiqué indiquait : un « ordre a été donné aux confrères du service culture-spectacle de ne pas le chroniquer, fut-ce en 10 lignes« .
La même année, l’émission de Frédéric Taddeï sur Europe 1 (propriété d’Arnaud Lagardère, proche de Bernard Arnault) avait décommandé le réalisateur de Merci Patron ! au dernier moment, sur ordre de la direction. Un acte salué par l’intéressé. « Je remercie votre patron pour le plan com’ qu’il m’a assuré. En interdisant à votre confrère Frédéric Taddeï de me recevoir, il a suscité un grand élan de sympathie » avait lancé François Ruffin lors de l’émission de Jean-Michel Aphatie sur Europe Midi.
{"type":"Banniere-Basse"}