Ce 13 février, Manuel Valls a tranché sur la part que la France doit prendre dans la crise des réfugiés. A quelques jours d’un sommet européen sur le sujet.
Manuel Valls n’aura pas eu besoin d’être filmé à son insu sur Periscope comme Serge Aurier pour tenir des propos plutôt consternants. En visite officielle en Allemagne la semaine passée, et à quelques jours d’un sommet européen (les 18 et 19 février à Bruxelles) qui doit statuer sur l’afflux de réfugiés en Europe, Valls l’a martelé plusieurs fois : “Nous ne pouvons pas accueillir plus de réfugiés.” Ce sera donc 30 000, et pas un de plus ; les enfants, ne vous pressez plus au portillon.
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Une façon de répondre à Angela Merkel qui, de son côté, cherche à constituer en Europe une “coalition de volontaires” pour accueillir des réfugiés – coalition qui accepterait de se répartir plus de réfugiés en échange, justement, d’une lutte accrue de la Turquie contre la migration illégale.
Une France à part
Manuel Valls a tranché, ça sera sans nous. Pourtant, en septembre encore, la France, via François Hollande, s’était engagée à la mise en place d’un mécanisme permanent pour les réfugiés. C’était quelques jours après la découverte, sur une plage de Turquie, du corps sans vie du petit Alan Kurdi, 3 ans.
Mais depuis les choses ont changé, la crise des “migrants” (comme on dit désormais) s’est aggravée, et puis il y a eu les attentats de novembre. Alors on durcit les positions, et la France, cet endroit qui semble désormais se gouverner à l’émotion, a choisi de fixer sa limite chiffrée. Il y eut jadis, lors du passage de Michel Rocard à Matignon, cette phrase légendaire (du même Rocard) mais de gauche qui nous disait en substance que la France, si elle ne pouvait “accueillir toute la misère du monde”, devait néanmoins en “prendre sa part”.
Un pays qui se recroqueville
Manuel Valls a, lui, fixé la semaine dernière le chiffre précis de cette “part”, et c’est 30 000. Peu importe les élans européens, nous savons désormais quelle est l’amplitude de la consolation que nous autres Français pouvons donner aux tremblements du monde. Ce que l’on trouve de plus en plus désagréable, c’est le sentiment d’appartenir à ce pays qui se referme, se recroqueville, renonce à une longue tradition d’accueil et de métissage au nom des atrocités qu’il a subies l’an passé. Le débat sur la déchéance de nationalité en est un autre exemple.
En 2012, certains d’entre nous avaient voté Hollande pour aller justement à l’encontre de cela. Alors candidat, celui qui allait devenir Président avait même envisagé de donner le droit de vote aux étrangers non communautaires aux élections locales. La promesse a été mise au clou, et c’était bien avant les attentats.
La France est grande lorsqu’elle sait s’offrir à ceux qui n’ont plus rien ou plus d’autres endroits où aller. La France est grande lorsqu’elle décide, même après avoir été frappée, de rester fidèle à ses principes de solidarité. L’Allemagne a ouvert ses portes à plus de 800 000 réfugiés en 2015, contre une centaine pour la France. Manuel Valls et François Hollande, en raidissant leur politique pour tenter de décrocher un second tour face au FN en 2017, belle ambition, sont en train de faire de la France un petit pays. Minuscule, même.
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Dans notre numéro:
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• En Pologne, la résistance au pouvoir ultraconservateur s’organise
• Alors que sortent ses œuvres complètes, rencontre avec Bret Easton Ellis
• Dave Haslam, DJ légendaire de l’Haçienda, rencontre Jamie xx
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