Restrictions budgétaires, réduction de personnel, désengagement de l’Etat : la formation professionnelle des adultes est en péril.
Notre système de formation professionnelle (…) n’est pas assez centré sur ceux qui en ont le plus besoin, en particulier les chômeurs et les salariés les moins qualifiés”, s’inquiétait Nicolas Sarkozy à l’automne 2007 avant d’en confier la réforme à Laurent Wauquiez, le jeune secrétaire d’Etat chargé de l’Emploi. Le Parlement a voté la réforme à la fin de l’année 2009. Laurent Wauquiez la défendait ainsi devant le Sénat : “Vous l’avez compris, la formation professionnelle a (…) besoin d’un bon coup de ménage autour d’un seul objectif : l’emploi !”
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L’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) est chargée depuis la Libération d’une mission de service public unique en France et destinée aux catégories les plus démunies en matière de diplômes et de ressources. Elle assure notamment la reconversion des chômeurs et la formation des travailleurs handicapés : 180000 personnes en bénéficient chaque année.
L’association n’en est pas moins menacée, comme le répètent ses 11000 salariés qui ont manifesté le 23 décembre et le 21 janvier, à l’appel de tous leurs syndicats. Avec la crise, elle est devenue d’autant plus stratégique. Pourtant, l’équilibre financier de l’Afpa n’est plus assuré en raison de l’acharnement à en faire un acteur commercial évoluant sur le marché de la formation.
En 2003, le gouvernement Raffarin transforme le financement de l’Afpa : ses missions n’étant plus considérées comme relevant du service public, l’Etat lui retire ses subventions directes. Les ressources de l’Afpa proviennent désormais des régions. Mais après une période de transition, ses formations sont mises en concurrence depuis 2009. Néanmoins, certaines régions se refusent à rendre les ressources de l’Afpa aussi aléatoires. “On ne peut pas ravaler la formation professionnelle à destination des demandeurs d’emploi au rang d’une marchandise. Sinon, vous désorganisez complètement un service qui a besoin de stabilité”, explique Pascale Gérard, en charge de la formation continue à la région Provence- Alpes-Côte d’Azur et au secrétariat national du Parti socialiste.
La situation va encore s’aggraver avec la loi Wauquiez. Celle-ci prévoit de conserver les formateurs de l’Afpa au sein de l’association, mais ses 1200 psychologues chargés d’accueillir les demandeurs d’emploi, de les orienter et d’assurer le suivi de leur stage seront pour la plupart transférés, d’ici le 1er avril, à Pôle emploi. Le gouvernement considère la formation comme une marchandise mais pas l’orientation. “Ce transfert vers Pôle emploi supprime toute porte d’entrée vers l’Afpa”, s’inquiète Richard Lalau, du comité central d’entreprise (SUD). La mesure va aussi amputer l’Afpa de 10 % de ses recettes. Au total, ce transfert lui fait courir “un risque global”. C’est ce qu’écrivent Christian Charpy, à la tête de Pôle emploi, et Philippe Caïla, directeur général de l’Afpa, dans un rapport remis au même Laurent Wauquiez.
Pour Jacques Coudsi, secrétaire général de la CGT à l’Afpa, l’orientation fait partie des services indispensables pour une formation réussie, au même titre que l’hébergement gratuit et la restauration quasi gratuite. Justement, ces services uniques en France sont également menacés. Jusqu’ici, l’Afpa n’était pas propriétaire de ses 200 centres de formation, qui appartenaient à l’Etat. Celui-ci prenait donc à sa charge l’entretien de cet immense patrimoine.
Le hic, c’est que la loi Wauquiez en transfère – c’est une manie – la propriété à l’Afpa. “Cadeau empoisonné”, s’énerve Annie David, sénatrice communiste de l’Isère. La mesure pourrait coûter près de 200 millions d’euros par an (un chiffre que ne peut confirmer la direction de l’Afpa). Or, les bonnes années, il ne reste que 30 millions dans les caisses de l’association. Du coup, ces services pourraient devenir payants, ce qui entraînerait la vente d’une partie du patrimoine.
Au total, l’Afpa anticipe une perte de 25 % de ses recettes et pourraient geler les embauches pendant plusieurs années. Selon SUD, cela menace 3 500 postes de travail. “Une fois soumise aux règles du marché, l’Afpa risque de chercher les mêmes formations lucratives que les autres acteurs et d’abandonner ses missions de service public”, s’inquiète Claude Jeannerot, sénateur socialiste du Doubs qui connaît bien la maison : il en a été un cadre dirigeant.
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