Premier sursaut juridique pour la “forêt à défendre” de Romainville : sept manifestants étaient convoqués au tribunal administratif de Montreuil ce 7 novembre. Récit d’une mobilisation citoyenne réaffirmée.
Le ciel est lourd, d’un gris fade. Un camion de CRS isolé campe non loin. Ceux qui s’avancent dans l’impasse qui mène au tribunal administratif de Montreuil, ce mercredi 7 novembre, contrastent par leurs vêtements colorés avec la pesanteur ambiante. Alors que le groupe se resserre, l’un d’eux avertit d’emblée : ceux que la justice a convoqués aujourd’hui le sont “à titre d’exemple”.
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C’est le collectif « Les Amis de la Corniche des Forts » qui a appelé à se réunir. Pendant quelques heures, ses membres vont abandonner leur présence sur le site du même nom dans la forêt de Romainville. Depuis quelques mois, ils se mobilisent pour s’opposer à l’érection d’une base de loisirs par les pouvoirs publics. Le lundi 22 novembre, des personnes isolées ont été identifiées par la police. La région Île-de-France, dirigée par Valérie Pécresse, lance alors une procédure accélérée à leur encontre pour pouvoir reprendre le projet de construction et expulser tous ceux qui l’entraveraient par leur présence. Problème : la mobilisation dépasse de loin les sept personnes mises en cause cette après-midi au tribunal.
Parmi eux, on trouve un journaliste freelance – qui ne sera finalement ni présent ni représenté, tandis que les six autres sont défendus de manière groupée. Mais beaucoup sont là en soutien et en profitent pour se mettre à jour sur l’avenir du “poumon vert de la région”. Depuis le mois d’octobre, la mobilisation citoyenne a redoublé, renforcée par l’apparition de personnalités comme Catherine Ringer. À tel point que les premiers médias présents sur place ont questionné l’apparition d’une “nouvelle ZAD”.
À l’audience, la bataille entre arguments juridiques et écologiques
Alors qu’approche l’heure de la convocation, la présidente historique du collectif, Hélène Zanier propose d’instaurer un roulement pour que chacun puisse assister à l’audience. Les cheveux roux vif sur un long manteau rouge, c’est elle qui, en véritable doyenne, structure et organise l’action des militants et dirige le collectif Les Amis de la Corniche des Forts depuis 2012.
Alors que l’audience débute, au premier rang avec les prévenus, Hélène Zanier prend des notes mystérieuses. L’accusation, sous les traits de Maître Nahmias qui représente la région, commence à plaider. Il parle d’une “affaire classique d’occupation” et invoque la dangerosité du site, sur lequel aurait eu lieu un “presque accident” il y a quelques années. Il y a une urgence à laisser la force publique s’imposer pour le sécuriser. Aucun mot sur la nature même du projet ou la problématique politique et environnementale – ce n’est pas le sujet débattu en l’espèce.
À l’inverse, la défense va insister sur ces aspects extra-juridiques pourtant essentiels à la compréhension du problème. S’il questionne les termes exacts du litige (occupants/manifestants, constructibilité/dangerosité du site…), Maître Mariotti, l’avocat de la défense, pose surtout la légitimité du projet. Il souligne qu’une quarantaine d’élus s’opposent fermement à la construction de la base de loisirs et établit la forêt comme le “poumon vert de la région”. La plaidoirie est synthétique, le conflit connu de tous. Il n’y a plus qu’à attendre la décision du juge des référés dans les jours qui viennent.
Une mobilisation citoyenne intacte… et victorieuse
Ils sont un peu moins d’une centaine à attendre dehors pour soutenir les prévenus. Hélène Zanier s’apprête à commenter les arguments de l’accusation qu’elle a pu lister, pour laisser ensuite la parole aux deux avocats de la défense. La présidente de l’association salue la mobilisation et réduit cet épisode judiciaire à un “épiphénomène”. Elle résume : “Quelle que soit la décision que prendra le juge, notre mobilisation ne s’arrêtera pas pour autant, l’intérêt général est bien évidemment de notre côté, se battre contre le réchauffement climatique est évidemment une évidence et le fondement de notre combat aujourd’hui”. Des applaudissements et des cris d’encouragement retentissent au sein de l’assemblée improvisée.
Si l’issue de l’audience est incertaine, Maître Bonaglia, qui défend le dossier des amis de la Corniche des Forts, enchaîne en définissant le projet initié par Valérie Pécresse comme un “non-sens écologique”. Il résume en ces mots l’action jurdique dont elle est à l’origine :
“C’est un détournement de procédure : en voulant expulser des occupants du domaine public qui ne sont que des militants entrés temporairement sur le domaine de la forêt de Romainville, c’est 4 ou 5 camions de CRS amenés pour clôturer complètement la zone et empêcher toute manifestation, toute mobilisation aux alentours du parc. C’était cela qui était problématique dans le recours à cette procédure très particulière du référé « mesures utiles ». Il n’y a aucune urgence à accéder à cette demande. Si évidemment la région Île de France tient à aller au bout de son projet, il lui appartient de mettre en place une concertation plus vaste avec les acteurs concernés”.
Malgré ces éclaircissements qui tendent à légitimer l’action des manifestants, beaucoup sont sceptiques quant à l’issue de l’audience. Pourtant, coup de théâtre le lendemain : le juge des référés a débouté la demande de la région au motif que la demande n’avait rien d’urgent, l’occupation du site étant temporaire et discontinue. Le “rituel” va pouvoir reprendre. Chaque week-end, alors qu’aucune force de l’ordre n’est présente, des centaines de personnes se réunissent pacifiquement à la lisière de la forêt : “c’est la promenade familiale tous les dimanches”. Pour l’heure, la promenade peut continuer.
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