Fabienne Boulin-Burgeat, la fille du ministre du Travail retrouvé mort dans des circonstances troubles le 30 octobre 1979, a déposé une plainte contre X pour « arrestation, enlèvement et séquestration ».
Il lui reste peu de temps avant la prescription, alors Fabienne Boulin-Burgeat, la fille de Robert Boulin, ministre du Travail sous Giscard d’Estaing, multiplie les démarches pour faire toute la lumière sur la mort de son père le 30 octobre 1979. Elle vient ainsi de saisir le 18 mai un juge d’instruction du TGI de Versailles d’une plainte contre X pour « arrestation, enlèvement et séquestration » de son père. Elle avait déjà déposé une plainte pour homicide involontaire, et tenté de faire rouvrir le dossier, notamment par la CIA, en vain.
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Pourtant, depuis 1979, de nombreuses incohérences, disparitions de scellés et faits sensibles engagent à une certaine circonspection quant à la thèse du suicide de Robert Boulin, à laquelle la justice et l’Etat français se sont ralliés.
« Un faisceau d’éléments permet d’accréditer la piste de l’homicide »
Retour en 1979. Le 30 octobre de cette année, Robert Boulin, alors premier-ministrable, est retrouvé mort dans 50 centimètres d’eau dans un étang de Rambouillet à 8h40. Une dépêche AFP fuse et annonce à 9h45 son « suicide » par noyade et absorption de Valium, alors qu’aucune enquête n’a encore été diligentée. De nombreuses contre-enquêtes et témoignages étayent pourtant depuis 35 ans la piste d’un assassinat impliquant potentiellement le Service d’action civique (SAC).
Un livre paru en 2007, Un homme à abattre. Contre-enquête sur la mort de Robert Boulin (éd. Fayard), apporte une contribution importante et solide à cette thèse. Son auteur, le journaliste Benoît Collombat, a passé cinq ans à recueillir des témoignages et à consulter les archives du dossier pour en arriver à la conclusion que “la thèse du suicide n’est aujourd’hui plus crédible. Elle l’est d’autant moins qu’un faisceau d’éléments permet d’accréditer la piste de l’homicide : crime ou assassinat”.
Un nouveau témoin dans l’affaire
En février dernier, Fabienne Boulin a demandé à la CIA de lever le secret sur un dossier consacré à Robert Boulin, mais n’a obtenu comme réponse qu’un documenté caviardé à 80 % sur le contexte de l’époque. Elle a l’intention de faire appel auprès de l’agence américaine.
Cette fois-ci, c’est un témoignage tardif et spontané qui motive sa plainte. En mai 2013, un homme « prêt à être interrogé par un juge » lui a écrit, suite à la diffusion d’un film sur le sujet à la télévision. Le journaliste de France Inter Benoît Collombat, spécialiste de l’affaire, a recueilli son témoignage. Contacté par Les Inrocks, il raconte :
« Il n’a encore jamais été entendu dans la procédure judiciaire. C’est un témoin que j’ai rencontré à plusieurs reprises, qui ne tient pas a apparaître publiquement, et dont j’ai pu vérifier la qualité et la crédibilité. C’est une personne qui dit avoir vu Robert Boulin le 29 octobre 1979 vers 17 h, au dernier endroit où il a été vu vivant, dans une rue de Montfort-l’Amaury. Il dit s’être trouvé nez-à-nez avec son véhicule, alors qu’il était au volant de sa voiture. Il a croisé la voiture de Robert Boulin, une Peugeot 305, dans une rue très étroite. Il a eu tout le loisir de le reconnaître, et il a clairement vu qu’il n’était pas seul. C’était un autre individu qui conduisait le véhicule avec une troisième personne à l’arrière de la voiture. Ce qui est très important, c’est que cette scène se situe très peu de temps avant la mort clinique de la victime, entre 18h et 20h.”
« Depuis le début, le politique pollue le judiciaire »
A la lumière de ce témoignage, Fabienne Boulin a donc déposé plainte devant la doyenne des juges du TGI de Versailles, pour « arrestation, enlèvement et séquestration ». Elle avait déjà tenté de faire réouvrir le dossier à deux reprises, en 2007 et en 2010, en faisant une demande auprès du procureur de la cour d’appel de Paris, qui avait refusé. Cette fois-ci, une juge indépendante se prononcera, ce qui pourrait changer la donne :
« C’est cette magistrate indépendante qui va faire l’analyse juridique de cette plainte. Dans cette affaire, depuis le début, le politique pollue le judiciaire. J’ose espérer que ce sera une vraie analyse juridique qui sera faite cette fois-ci », conclut Benoît Collombat.
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