En version 3D, le marbre est redevenu gage de branchitude. Sous l’aspect blanc et lisse, que trahissent ses nervures ? Dans un décor carrelé à l’esthétique postmoderne, cette jeune femme au teint pâle et à la pose altière nous fixe avec un air de défi. L’image est extraite d’Internet Souvenirs, la dernière collection de la […]
En version 3D, le marbre est redevenu gage de branchitude. Sous l’aspect blanc et lisse, que trahissent ses nervures ?
Dans un décor carrelé à l’esthétique postmoderne, cette jeune femme au teint pâle et à la pose altière nous fixe avec un air de défi. L’image est extraite d’Internet Souvenirs, la dernière collection de la jeune marque madrilène Shallowww, qui prend comme point de départ des imprimés popularisés par le net et les réinsère, via textile interposé, dans le monde réel. “Nous jouons sur la perte de relation entre le signifiant et le signifié dont souffrent certaines images online”, explique Silvia Bianchi, une de ses fondatrices.
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Depuis un an, le marbre fait son grand retour. Il squatte boutiques pointues (Acne), catalogues de déco et se fraye un chemin dans nos penderies et intérieurs sous une forme mutante, falsifiée. L’explication de ce retour est avant tout technologique, comme l’explique Pascaline Wilhelm, directrice du salon du textile Première Vision qui ouvrira ses portes le 18 février : “Les nouvelles technologies d’impression textile permettent aujourd’hui de reproduire au plus près de la réalité et de jouer sur des supports non rigides pour ouvrir des étrangetés, drôles ou bizarres.” Digital, ce “faux marbre” traduit “la passion grandissante dans la mode actuelle pour le non-uni, le craquelé, le passage plutôt que la rupture : la binarité noir et blanc fait aujourd’hui pâle figure face aux tye and dye, sea-punk, délavés”.
Le marbre personnifie également le floutage des frontières et l’extrême volatilité des signes contemporains : quand la haute couture cherche une nouvelle authenticité dans la culture de la rue (motifs tatouages chez Margiela, genouillères, bananes et sneakers chez Chanel), jeunes créateurs et marques de prêt-à-porter jouent quant à eux à détourner les codes du luxe, de l’estampillé “bon goût”. Pour une génération internet habituée au mouvant, à l’éphémère, ce faux marbre constitue également une façon d’incorporer la mémoire dans le présent, sans pour autant céder à la nostalgie. Anti-vintage, c’est un “ancien flambant neuf” prêt à être investi de toutes les nouvelles expériences. Car aussi sûre soit-elle de sa puissance et de sa distinction (n’est-elle pas, lisse et lumineuse, un peu trop bien pour son époque ?), la femme marbrée, telle une sylphide, laisse percevoir ses nervures. Alliance redoutable de noblesse et de fragilité mêlées, elle murmure son envie de se laisser sculpter, émouvoir, altérer.
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