Jeremy Scott, enfant illégitime de Coco Chanel et Ronald McDonald, fait dans le chic couleur junk-food. La dame qui avance vers vous est vêtue de l’uniforme de serveuse d’un fast-food connu comme le loup blanc. Sur un plateau d’argent, elle vient vous apporter un sac à main coûteux orné d’un “M” jaune canard, véritable Happy […]
Jeremy Scott, enfant illégitime de Coco Chanel et Ronald McDonald, fait dans le chic couleur junk-food.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
La dame qui avance vers vous est vêtue de l’uniforme de serveuse d’un fast-food connu comme le loup blanc. Sur un plateau d’argent, elle vient vous apporter un sac à main coûteux orné d’un “M” jaune canard, véritable Happy Meal pour adultes. Cette saison, la griffe de luxe rêve tant de Big Mac qu’elle porte ses couleurs comme on porte un drapeau.
C’est la première collection du créateur Jeremy Scott pour Moschino. Le Californien, adepte de pop (voire trash) culture, n’hésite pas à glisser Bart Simpson et Mon petit poney dans ses collections. Là, chargé de redonner une voix contemporaine à l’enseigne italienne, symbole d’opulence baroque devenu poussiéreux, il y verse une louche généreuse de junk-food. Au fil du défilé, il citera aussi Budweiser et Bob l’éponge, remixé avec des silhouettes faussement Chanel (Karl Lagerfeld a dû apprécier).
L’Américain n’est pas le seul à faire un spectacle de la société de consommation qui affole tant les sociologues des années 90. Le Londonien Ashish imagine des sacs s’inspirant du logo Tesco (groupe de distribution anglais bon marché), le New-Yorkais Alexander Wang des tops siglés Parental Advisory, signe de prévention adressé aux parents sur les DVD violents.
Les logos dominent la mode depuis bien des années, mais c’est la version haut de gamme qui excite les fashionistas. Monogramme ‘LV’ ou petit crocodile, le sigle explose à la fin du XXe siècle, à l’heure de la démocratisation du luxe. Les grandes marques développent des collections de petite maroquinerie. Ces pièces sont de basse qualité et n’ont pas vraiment d’intérêt, hormis pour rendre la marque plus apparente. Dès lors, le logo impose un système de désir pyramidal, profondément hiérarchisé.
Mais porter McDonald’s comme on portait autrefois Chanel retourne les lois de ce désir de consommation comme une crêpe. Le luxe ne se nourrit plus de lui-même mais rêve de rue, de virées chez Leader Price et de dîners chez KFC. L’ultra-abordable, comble du snobisme ? Ce n’est plus le client qui porte le logo mais l’inverse : nous nous enveloppons dans un sac façon Tati signé Céline, dans une performance théâtrale vestimentaire.
En 2000, Naomi Klein s’inquiétait dans No Logo des “rites partagés et de l’identité globale” au sujet d’ados qui achetaient des Chicken McNuggets en écoutant leur Discman. 2014 risque de lui donner du fil en acier trempé à retordre.
{"type":"Banniere-Basse"}