Pour dénoncer des conditions pénitentiaires indignes d’une démocratie, des avocats s’attaquent à l’insalubrité des dépôts et souricières, où transitent les détenus.
Le constat est le même depuis longtemps, implacable : les conditions de détention en France sont indignes d’une démocratie et contraires aux droits de l’homme. Le Comité européen de prévention de la torture dénonce depuis 1991 des “traitements inhumains et dégradants” sans que rien, ou peu, ne change. La fronde des surveillants de prison en est la manifestation visible. Mais rapports et recommandations ne sont bien souvent qu’une bouteille à la mer ignorée par la garde des Sceaux. La Conférence des avocats de Paris, composée de douze jeunes avocats qui représentent le barreau et assurent la défense pénale des plus démunis, ont peut-être trouvé une faille concernant les dépôts et souricières pour faire respecter droits de l’homme et de la défense : “utiliser le droit pour bloquer la machine”.
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“Une souricière, local de transit entre prison et cour d’assises, fait moins de 3 m², latrines comprises. Des personnes présumées innocentes y sont entassées plusieurs heures à trois dans l’urine, les excréments, en insécurité. Mêmes conditions insalubres pour le dépôt, local de transit de 7 ou 8 m² entre garde à vue et comparution immédiate. Après une garde à vue de 48 heures, voire de 96 heures, le détenu peut rester plus de 20 heures dans le dépôt, subir plusieurs fouilles au corps et attendre encore cinq ou six heures avant de voir le juge”, raconte Emmanuel Mercinier. Depuis quinze jours, les avocats de la Conférence font valoir devant la 23e chambre de Paris que ces conditions insalubres de rétention violent le droit à un procès équitable de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que le code pénal qui prévoit que ces locaux soient spécialement aménagés. Et demandent donc la nullité de la procédure. “Le tribunal serait contraint de prononcer la liberté immédiate. Mais le procureur a ensuite toute latitude pour reconvoquer la personne. Notre but est de faire rénover les dépôts en créant des incidents procéduraux”, tient à préciser l’avocat. Pour Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature, “cette action est aussi une forme de dénonciation des procédures de comparutions immédiates. Les gens sont stockés de plus en plus massivement dans ces dépôts par manque de moyens, surtout en banlieue. La politique pénale actuelle produit ses effets. Les prisons explosent, les dépôts aussi.”
La Conférence a été rejointe par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris le 23 avril qui a appelé ses confrères à plaider systématiquement la nullité des procédures. A Créteil, des comparutions immédiations ont été annulées et le dépôt fermé en attendant rénovation. Le 2 mai, le tribunal correctionnel de Paris a ordonné un supplément d’information. Leur action pourrait rapidement gripper la machine.
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