Au menu de la septième édition du festival biarrot : de la musique, mais aussi une programmation de plus en plus lifestyle qui alignait chaque jour de jeunes chefs à la Big cantine. Rencontre avec le duo vietnamo-sarde Céline Pham et Simone Tondo. Pour sa septième édition, le BIG festival, qui se tenait sur la […]
Au menu de la septième édition du festival biarrot : de la musique, mais aussi une programmation de plus en plus lifestyle qui alignait chaque jour de jeunes chefs à la Big cantine. Rencontre avec le duo vietnamo-sarde Céline Pham et Simone Tondo.
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Pour sa septième édition, le BIG festival, qui se tenait sur la côte des Basques de Biarritz du 11 au 19 juillet a aligné les gros calibres ( Johnny, les Brigitte..), proposé une programmation electro d’envergure ( Torb, Agoria, Apollonia..) et bossé son côté lifestyle. Au Big Village, on pouvait, entre deux morceaux, assister à une compétition de surf, faire un tour chez le barbier, à l’atelier nail art. Mais le joyau du village fit cette année la programmation food de la Big Cantine, qui accueillait chaque jour des chefs internationaux sélectionnés par Fricote. Leur mission : réinventer la tapas locale. Au casting, Antonin Girard, Michèle Farensi, Elsa Marie, Romain Tischenko, Nicolas et Grégoire de Talotegi, ou nos préférés Céline Pham et Simone Tondo. Suite à un « coup de foudre culinaire », les deux jeunes chefs (elle jusqu’à fin juillet à Table ronde -un restau éphémère- lui au Roseval) ont fusionné leurs influences et identités vietnamiennes et sardes le temps d’une soirée. A la carte, un délicieux « rouleau de printemps porc confit, cresson basilic, pickles, réduction carottes », de savoureuses « tomates pécorino, anchois bœuf de Galice » ou encore un détonnant et fondant « Thon blanc Stracciatela, cerises, capucines ». Interview après leur service, sur un des bancs de la Big Cantine, face à la mer.
Est ce que ça change quelque chose de faire à manger pour un festival ? Est ce qu’il y a une spécificité ?
C- Il y a des contraintes d’adaptation dans un lieu totalement nouveau qui n’est pas une cuisine, avec une équipe aussi nouvelle et des contraintes d’espace, d’organisation. On l’a vu ce matin avec l’avion et les valises qui ne sont pas arrivées… Il y avait tout à l’intérieur, le matériel et la mise en place. On a commandé les légumes ici, au marché, mais les mises en place qui prennent du temps et qui pouvaient nous dégager étaient bloquées dans les valises. C’était un peu l’angoisse ! Finalement on a tout récupéré à temps.
Donc le principal changement est de s’adapter à des contraintes nouvelles ?
C- Oui, et au matériel qu’on ne connaît pas. Mais pour le BIG on a joué la sécurité. Avant de partir, Simone m’a dit : « pas de cuisson ».
S- Il ne faut surtout pas se compliquer la vie: quand tu déménages à cinq heures de route de Paris, c’est difficile d’imaginer quelque chose. Il peut arriver n’importe quoi, il faut prévoir des choses faciles.
Votre collaboration est un mix entre cuisine vietnamienne et sarde. Comment définiriez vous ce que vous avez proposé pendant le BIG ?
C- C’est une cuisine vietnalienne !
S- On a mélangé des produits vietnamiens d’origine, et italiens. En France, je ne peux pas vraiment faire une cuisine sarde, trouver des produits d’origine, parce que la cuisine régionale est vraiment basée sur des produits de saison. Ce n’est pas comme la cuisine vietnamienne qui est finalement plus classique. On a essayé d’y apporter notre touche personnelle.
C- Et il existe un savoir faire ; tu me racontais que ta grand mère cuisinait des aubergines seulement trois mois par an…
S- Oui, elle les achetait toujours au même moment et à la même personne. C’est impossible d’appliquer la même règle aujourd’hui, même à Paris je pense.
Ce sont des cuisines qui vous paraissent très éloignées l’une de l’autre ?
C : Les produits sont très différents et les techniques aussi.
S : On s’est connu en cuisinant un truc ensemble pour Fricote. Cela a été très étonnant, vraiment une surprise. Je me suis aperçu que je ne connaissais rien du tout à la cuisine vietnamienne, même si je mangeais très souvent vietnamien. Quand on a cuisiné ensemble, ça été une expérience intéressante. Céline apportait toutes les bases, l’abécédaire des plats que l’on allait préparer, et après on se marrait à faire des trucs un peu plus « open » par rapport à la cuisine vietnamienne. Par exemple les pâtes de riz liées comme des pâtes à l’italienne avec un bouillon de bœuf comme dans la soupe pho.
C : Soupe dans laquelle il a balancé une grosse poignée de parmesan ! La cata ! Il a insité, en a remis. Et en fait c’était très bon.…Entre nous, ce sont des choses totalement improvisées.
S : Qui ne peuvent s’inventer qu’en discutant, en prenant des risques, en laissant de l’espace à l’autre. Autre exemple, les rouleaux vietnamiens. J’ai complètement adoré.
C : Maintenant il veut ouvrir un bar à rouleaux !
S : Je suis un jour allé manger à la Table Ronde, le restaurant éphémère que tient Céline. J’y ai gouté ses rouleaux et j’ai adoré. Je suis retourné au restau, Céline m’a prêté trois ou quatre feuilles de pâte de riz avec des vermicelles cuits et des pickels qu’elle avait fait et quand je suis retourné au restau où je travaillais, je n’ai même pas fait la mise en place pour diner, je me suis mis à rouler…
C : Et à m’envoyer les photos ! C’est une technique…
S : C’est une contamination.
Pour cuisiner avec quelqu’un d’autre, il faut accepter la contamination ?
S : Oui mais c’est rare d’y arriver. Parce qu’il y a l’ego qui passe avant…
C : Ce n’est pas facile d’accepter d’apprendre de l’autre.
S : T’es toujours en train de te défendre avant tout. Et t’oublies que parfois si tu ouvres un peu les portes et la tête…
C : En fait, il y a un lâcher prise qui doit avoir lieu dans les deux sens.
La cuisine est un milieu où il y a beaucoup d’ego ?
S : Pas forcément dans l’assiette mais plutôt dans la démarche. « Je veux être mieux, je veux faire un truc nouveau ». Mais faire un truc nouveau ça n’existe pas, tu ne peux que retravailler ce qui existe déjà, tu ne peux pas partir de zéro. La cuisine italienne est très ancienne et la cuisine vietnamienne l’est encore plus, on ne peut pas la révolutionner. Les gens sont attachés à un goût, à un équilibre de saveurs que tu ne peux pas changer. La sauce tomate c’est la sauce tomate ! Il y a des codes de saveurs qui sont faciles à reconnaître. Il peut y avoir une évolution d’un truc classique mais pas une invention totale. Les chefs aujourd’hui essaient en permanence de dépasser le « vieux », le voisin, le collègue. Moi, je ne pense pas être dans cette démarche et il me semble que Céline non plus.
Tu t’inscris dans quelle démarche ?
S : Moi je m’en fous ! C’est ma démarche. J’aime faire à manger mais je ne suis pas non plus un malade mental.
Pourquoi est-ce que tu fais à manger ?
S : Parce que j’aime bien les gens…Ce n’est pas pour moi, si c’était pour moi j’aurais fait mille autres choses. Comme voyager par exemple.
Cela ne semble pas incompatible.
S : Non, c’est difficile. Si tu veux bien le faire il faut rester sur place. J’aime aussi beaucoup le restaurant, comme lieu. J’ai découvert que s’occuper des clients c’est beau, comme Céline le fait à la Table Ronde. Écouter le client, t’adapter en fonction de sa demande et faire parfois des choses complètement hors de tes cordes.
Et toi Céline, tu sais pourquoi tu fais manger les autres ?
C : C’est une grande question. C’est retrouver mes racines, partager, faire un pont avec ma famille. C’est plus tard j’ai découvert la relation au client. Mais au départ, mon envie était surtout de faire un truc manuel. Ma grand-mère faisait traiteur vietnamien sous le manteau pour le quartier. Moi j’allais lui faire ses courses. Quand elle est arrivée en France, elle bossait dans une cantine pour les peintres en bâtiment où elle appliquait des recettes françaises, elle faisait une cuisine hyper classique. A la maison, elle cuisinait vietnamien, et pour les voisins aussi. J’allais livrer, je pelais l’ail, je coupais la couenne de porc etc… Avant la cuisine, je m’étais engagée dans une voie qui me semblait plus personnelle, la musique (elle travaillait pour le label Pias, NDLR). J’avais besoin de m’ouvrir.
Parmi les plats que vous avez préparé ce soir, quel est celui que vous trouvez le plus intéressant ?
C : C’est vraiment l’ensemble, l’osmose en cuisine. On a davantage pensé en terme de menu, qu’on a essayé d’équilibrer en mettant du poisson, de la viande, ce n’est pas un plat en particulier.
S : On a essayé de ne rien mettre en avant. Ce qui était important c’était d’avoir un plat vietnamien, ce fameux rouleau qui est la chose qui nous a fait « tomber amoureux ».
Le coup de foudre du rouleau de printemps. Et ça va continuer ?
S : Pourquoi pas ! On s’est pas engueulés, ni tapé sur la gueule, les gens étaient contents …
C : On s’est fait des clins d’œil. Il n’y a donc pas de raison pour que cela ne continue pas.
S : On se retrouvera, c’est sûr.
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