Ann Demeulemeester fait ses adieux à la mode. Tombée hier, la nouvelle a fortement surpris le monde de la mode, qui s’était, depuis plus de trente ans, habitué à la douce présence, aux propositions stylistiques radicales et au romantisme fou de la créatrice belge. A 53 ans, Ann Demeleumesster a annoncé au site WWD, la […]
Ann Demeulemeester fait ses adieux à la mode. Tombée hier, la nouvelle a fortement surpris le monde de la mode, qui s’était, depuis plus de trente ans, habitué à la douce présence, aux propositions stylistiques radicales et au romantisme fou de la créatrice belge. A 53 ans, Ann Demeleumesster a annoncé au site WWD, la bible américaine de la mode, qu’elle raccrochait.
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Demeulemeester fait ses débuts au début des années 80. Etudiante à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers, elle fait partie de la même promotion (1981) que Dries van Noten, Walter Van Beirendock, Dirk Van Saene, Dirk Bikkembergs et Marina Yee. Six étudiants, qui défilent la même année à Londres en 1988. Ann vient de lancer sa propre griffe, en 1987. L’histoire les retiendra comme les “Six d’Anvers”. Dries van Noten raconte :
« On étudiait ensemble à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers. Martin (Margiela) était dans l’année au-dessus. Nous étions amis, nous écoutions la même musique. On avait voyagé ensemble plusieurs fois, à New York, par exemple. Je leur avais montré Barneys, Walter nous avait emmenés à la boutique Stephen Sprouse. C’était très stimulant. Après l’école, quand nous avons commencé nos collections, nous avons naturellement décidé d’y aller ensemble. C’était aussi pour des raisons économiques. En 1986, nous sommes montés dans un van et avons loué un grand espace à Londres. L’étiquette Six d’Anvers est restée, mais je pense que chacun avait sa personnalité. Nous étions très différents. Dirk Bikkembergs était intéressé par les codes du sport, Ann était plus arty. »
Silhouettes épurées, poétiques, en noir et blanc : une des grandes inspirations de la créatrice est la chanteuse Patti Smith, qu’Ann découvre à l’adolescence, comme une révélation, sur la pochette d’Horses. Elle lui enverra des vêtements des années plus tard, initiant une longue et durable amitié. Encore aujourd’hui Smith, sur scène ne s’habille qu’en Demeulemeester.
>> A lire aussi : notre interview croisée entre Patti Smith et Ann Demeulemeester
Au début des années 90, dans la lignée des créateurs japonais Yamamoto ou Comme des Garçons, Martin Margiela, Ann Demeulemeester et cette vague belge vont insuffler une nouveau souffle et radicalité à la mode contemporaine. Piliers du mouvement antifashion, ils souhaitent rompre avec les excès de la mode et la reconnecter avec l’idée de fonctionnalité, de minimalisme.
Demeulemeester part mais sa maison, elle, lui survivra. Dans la lettre publiée par WWD, la créatrice a en effet expliqué que sa maison possédait « sa propre identité et son propre héritage » et pouvait continuer sans elle. « Je me sens heureuse et comblée, prête à créer de nouveaux challenges », a -t-elle encore écrit.
« Ce qui est assez troublant, c’est la gémellité de calendrier avec le parcours de Martin Margiela. Ils ont été camarades de classe à l’Académie d’Anvers, ont créé leurs maisons à peu près en même temps, et elle part quelques années après que lui-même est parti. C’est un peu les nouveaux préretraités de la mode. Ils prennent la thune et partent pour profiter de la vie tant qu’il est encore temps… », explique Olivier Nicklaus, réalisateur de l’excellente série de documentaires Fashion.
Interrogée sur la possibilité de survie d’une maison après le départ de son créateur, elle répondait alors ceci : (44.00)
http://www.youtube.com/watch?v=jxuxZZBk9z8
« C’est une question très difficile. Tu peux dire : quand le créateur n’est plus là, c’est fini. OK tu peux dire ça et je le comprends. En même temps, s’il y a un travail qui a été fait, une voie qui est là et qu’à la mort du créateur, d’autres gens, qui comprennent le style, continuent dans la tradition de son âme, c’est quelque chose de très beau. Tout ce travail n’est pas perdu, ça peut continuer. […] (44:35) Moi, je n’ai jamais fait ça pour l’argent, il fallait faire du business pour pouvoir continuer, mais ce n’était pas le point de départ. Qu’est-ce que je peux faire pour les gens, pour créer plus de beauté non seulement dans le vêtement mais aussi dans l’âme ? Comment est-ce que je peux rendre ce monde un peu plus beau ? C’était ça l’impression qu’on avait et c’était ça qui était excitant. Maintenant, quand je vois ce que c’est devenu, je dois dire que je suis très déçue… »
Un défilé d’adieu homme et femme sera organisé le 27 janvier à Paris.
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