En dépit d’un bilan humain effroyable, l’attentat qui a fait 148 morts au Kenya représente une lourde défaite pour ceux qui en sont les instigateurs : les shebabs de Somalie.
Pour bien comprendre ce qui est en jeu entre les mouvements islamistes radicaux africains et moyen-orientaux qui se disputent la vedette médiatique, les financements occultes et les recrutements internationaux, il faut revenir un peu en arrière.
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D’autres groupes islamistes leur ont volé la vedette
Les shebabs somaliens ont connu le sommet de leur puissance entre 2008 et 2010. Cette année-là, ils contrôlaient une grande partie du pays, y compris la capitale Mogadiscio. Depuis, leur déclin n’a plus cessé. Ils ont été chassés en 2010 et 2011 des grandes villes somaliennes par une force militaire africaine (Amisom – Mission de l’Union africaine en Somalie) essentiellement composée de soldats éthiopiens et kenyans et sont aujourd’hui retranchés dans deux régions isolées de Somalie. Leurs forces combattantes ont été considérablement réduites et leur financement, durablement affecté.
De plus, d’autres groupes islamistes leur ont volé la vedette : l’Etat islamique (EI) et Boko Haram, au Nigeria. Certains commentateurs parlent même d’une sorte de “concours de beauté” entre ces groupes terroristes. L’enjeu est de faire main basse sur des sommes énormes : à elle seule, la diaspora somalienne envoie ainsi plus d’un milliard d’euros par an au pays. En clair, pour continuer à exister dans cet environnement darwinien où le plus faible (le moins médiatisé) disparaît tôt ou tard, les shebabs somaliens doivent commettre des attentats spectaculaires, les revendiquer et les justifier religieusement. C’est ce qu’ils ont fait le 2 avril à Garissa, ville peuplée majoritairement de Somalis musulmans.
Comment devenir et rester un groupe terroriste de poids ?
Comment maintenant mesurer l’échec des shebabs alors que l’attentat de Garissa a fait tant de victimes ? En rappelant tout simplement le parcours “réussi” d’un groupe terroriste islamiste aujourd’hui. Un parcours en deux temps. Tout commence, comme pour une secte, par un homme fort (un gourou) et quelques dizaines de combattants. Pour l’EI, il s’agit d’Al-Baghdadi ; pour Boko Haram, d’Abubakar Shekau. Puis vient l’enracinement dans un territoire musulman “à problèmes”. Pour l’EI, ce sont les régions sunnites d’Irak et de Syrie ; pour Boko Haram, le nord nigérian à majorité musulmane. Les deux régions ont en commun le sentiment – à juste titre – d’être méprisées par le pouvoir central sur des bases religieuses. A coups d’attentats sanglants et de “coups” militaires (la prise de Mossoul par l’EI ou celle de Damasak puis de Gambaru pour Boko Haram), la surface médiatique de ces groupes augmente et, ce faisant, ils nouent des alliances tactiques avec les élites locales. Ils deviennent alors de véritables guérillas, sur le modèle sud-américain. Comme les Farc à leur apogée, ils contrôlent territoires, infrastructures, financements internationaux et alignent des milliers de combattants.
De l’apogée au vulgaire terrorisme des débuts
Tout cela n’est possible que parce que les Etats et les armées d’Irak et du Nigeria ont failli. Les shebabs somaliens ont connu ces deux phases. Mais depuis leur apogée en 2010, leur guérilla a été largement démantelée par une réponse militaire efficace. Aujourd’hui, ils sont incapables de répondre autrement qu’en retournant au vulgaire terrorisme des débuts. Le 27 mars, une bombe explosait dans un hôtel de Mogadiscio faisant une vingtaine de victimes. Quelques jours après, Garissa et ses 148 morts venaient compléter ce tableau de l’horreur. Deux attentats qui montrent surtout combien les shebabs ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes, incapables de faire la différence sur leur terrain privilégié : la Somalie.
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