Découverte en 2004 dans un marché aux puces new-yorkais, une énigmatique série de clichés de travestis réalisée à la Casa Susanna, maison d’hôtes dans la ville de Hunter, est présentée au sein de « Another Kind of Life : Photography on Margins », la dernière exposition de la Galerie Barbican de Londres. Un des rares exemples de photographie explorant l’identité de genre.
L’exposition « Another Kind of Life : Photography on Margins » ( « Un autre genre de vie : la photographie des marges » en français ) explore la photographie des populations marginalisées et le rôle joué par les artistes dans leurs représentations. Portée par la commissaire Alona Pardo, cette manifestation rassemble les travaux d’une vingtaine d’artistes, dont le photographe japonais Daido Moriyama, Larry Clark ou encore la chilienne Paz Errazuriz.
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Parmi ce corpus se trouve une étonnante série de photos prises à la Casa Susanna. Découverte en 2004 par des collectionneurs dans un marché au puces de New York, cette collection de 110 clichés présente le quotidien d’une communauté d’hommes travestis qui se réunissent les week-ends dans une maison près de la ville d’Hunter, dans l’Etat de New York, entre la fin des années 50 et les années 60. Cet ensemble présente aujourd’hui un véritable intérêt pour les historiens de la photographie : le sujet exploré en fait un objet d’expertise privilégié.
À la fin des années 50, Tito Valenti, aussi connu sous le nom de Susanna, et sa femme Marie décident de transformer l’une de leurs propriétés en refuge pour les travestis, une population marginalisée dans l’Amérique de la Guerre Froide. Dans cet espace de bienveillance et de tolérance, des hommes mariés, pères de famille pour la plupart, peuvent laisser libre cours à une identité féminine qu’ils dissimulent dans leurs vies civiles.
Le temps d’un week-end, ils se glissent dans la peau de Susanna, Lily, Gloria ou encore Félicity, s’adonnent à des activités anodines comme jouer aux cartes ou encore se baigner tout en immortalisant cette expérience par la photographie. « La Casa Susanna était un un refuge pour ces hommes. Ils s’y sentaient libres et préservés des regards indiscrets (…) c’était un endroit où ils s’amusaient, » confie la commissaire Alona Pardo au Guardian. La découverte des clichés et la publication de l’ouvrage photographique Casa Susanna chez Powerhouse Books en 2005 crée un grand engouement dans le monde de l’art.
Une série photographique énigmatique
Bien que cette collection soit dense et très évocatrice, la conservatrice a expliqué les difficultés rencontrées pour établir une solide expertise : « il est difficile de nommer, de situer cette communauté dans le sens où nous ne savons pas si c’étaient des hommes qui s’habillaient occasionnellement en femme ou s’ils étaient transgenres, » a t-elle confié au magazine Another. Les témoignages laissés par les anciens visiteurs de la Casa Susanna restent limités et apportent peu de clefs de lecture. Ce corpus reste cependant un témoignage puissant et l’un des rares exemples de photographies explorant l’identité de genre.
Exposition « Another Kind of Life: Photography on Margins », jusqu’au 27 mai à la Barbican Art Gallery, Londres.
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