Une jeune femme sort de prison et tente de cacher son passé. Un téléfilm sensible dans la veine du meilleur Benoît Jacquot.
Voilà un film de télévision qui recèle la force et la subtilité d’un beau film de cinéma. La “bête curieuse” qu’il évoque, c’est Céline, la trentaine superbe mais abîmée par dix années de prison. Le film la cueille à sa sortie, pendant une période probatoire où elle doit porter un bracelet électronique et alors qu’elle débute sa réinsertion par un job de réceptionniste dans un hôtel de standing.
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Ce quotidien a priori banal revêt une dimension souterraine de thriller pour plusieurs raisons : parce que Céline qui habite loin a l’obligation de pointer le matin à l’hôtel et le soir à son domicile à la minute près sous peine de retourner derrière les barreaux. Mais aussi parce que Céline se fait appeler Héloïse et tient absolument à cacher un passé carcéral qu’elle souhaiterait elle-même effacer de sa mémoire.
Comment renaître vraiment, c’est toute la question de Céline et tout le suspense du film, suspense qui se niche jusque dans des détails comme la tenue vestimentaire, le port du corps, le sourire obligatoire pour la clientèle, toutes choses usuelles dans le métier hôtelier mais d’autant plus difficiles pour Céline qu’elle est brisée de l’intérieur.
Etre aimée pour elle
Dans sa mise en scène, Perreau sait conjuguer élégance et tension comme dans un polar chic. C’est dans ce contexte rappelant les meilleurs Benoît Jacquot que va naître une piste romantique qui s’avérera l’enjeu principal du film. Pour effectuer ses longs trajets domicile-boulot, Céline fait du covoiturage et devient la passagère régulière d’Idir. Ce dernier n’est pas indifférent à la beauté de Céline qui, de son côté, garde ses distances en raison de sa double identité et sans doute aussi par peur des relations amoureuses.
Céline est en effet courtisée par un homme mystérieux surgi de son passé et on comprend que sa peine de prison était liée à une relation qui a mal tourné. Les trajets avec Idir deviennent à la fois des moments de drague courtoise, pudique, délicate, et une brique importante dans le processus de reconstruction psychologique de Céline. Elle voudrait être aimée pour elle, pas pour son parcours qui fait d’elle une “bête curieuse”.
Du sentiment sans sensiblerie
Perreau déroule toutes ces pistes narratives avec beaucoup de finesse, de sens dramaturgique et de puissance émotionnelle, bien épaulé par des comédiens excellentissimes. Samir Guesmi confirme tout le bien qu’on pense de lui depuis longtemps et dégage beaucoup de charme, de sensibilité, d’humanité.
De son côté, Laura Smet fait son grand retour après ses ennuis de santé et un passage à vide qui la rapprochent un peu de son personnage et elle est splendide, rayonnante, toute en vulnérabilité touchante sous une carapace de granit. Grâce à eux et à une brochette de seconds rôles parfaits aussi, La Bête curieuse réussit le plus difficile : émouvoir en gardant de la tenue, projeter du sentiment en évitant la sensiblerie, faire vibrer le spectateur sans jamais avoir recours au tire-larmes. La classe.
La Bête curieuse téléfilm de Laurent Perreau, avec Laura Smet, Samir Guesmi. Vendredi 31, 20 h 55, Arte
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