Quelle relation entretient chacun d’entre nous avec son genre, sa féminité, sa virilité ? Tel est le point de départ de l’émission Dans le genre de sur Radio Nova. En une heure, deux fois par mois, Géraldine Sarratia, journaliste aux Inrocks, part à la rencontre d’une personnalité qu’elle interroge sur son rapport au genre et […]
Le dj, producteur et star du voguing Kiddy Smile était l’invité de Géraldine Sarratia dimanche dernier dans l’émission Dans le genre de sur Radio Nova. Il y raconte son adolescence, sa rencontre avec la danse et sa vision d’un genre ouvert et fluctuant.
Quelle relation entretient chacun d’entre nous avec son genre, sa féminité, sa virilité ? Tel est le point de départ de l’émission Dans le genre de sur Radio Nova. En une heure, deux fois par mois, Géraldine Sarratia, journaliste aux Inrocks, part à la rencontre d’une personnalité qu’elle interroge sur son rapport au genre et à l’identité. Le producteur et dj français Kiddy Smile est le premier invité de cette deuxième saison.
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Cette nouvelle personnalité a beaucoup à dire sur son identité et sur sa relation au genre. Son parcours, à la fois d’homme homosexuel, noir, grand -il mesure presque deux mètres – et en surpoids qui a grandi en banlieue, lui a façonné un regard unique et critique sur notre société. “Je suis très conscient de ma singularité et je suis aussi très conscient du cadeau qui m’a été fait de pouvoir être moi. Ce n’est pas tout le monde qui peut être complètement soi. Je suis à 95% moi et je peux l’exprimer”, confie-t-il reconnaissant sur les ondes de Radio Nova dimanche dernier entre 19h et 20h.
“J’ai eu très tôt conscience de ma sexualité”
Kiddy Smile grandit à Rambouillet dans une banlieue “modeste”, d’abord avec ses deux parents d’origine camerounaise puis seul avec sa mère et son petit frère. C’est “un endroit où on retrouvait tous les gens qui n’étaient pas blancs, catho et riches”, précise-t-il. Son enfance est solitaire, il ne connecte pas vraiment avec les garçons de son âge et n’a pas non plus sa place chez les filles. L’adolescent fait même l’objet de moqueries pour ses manières efféminées. Il raconte au micro de Nova :
Je suis un homme gay. J’ai eu très tôt conscience de ma sexualité et j’ai eu très très tôt conscience qu’il fallait absolument que personne ne le sache. Je ne sais pas si c’était un mécanisme de défense ou si j’avais déjà compris que c’était un comportement que la société ne m’aurait pas autorisé. Mais je sais que je n’avais pas conscience de mes manières jusqu’à ce que ma grand-mère vienne en France du Cameroun. […] J’étais très cambré, je marchais avec le torse devant, les fesses derrière et je roulais du cul. C’était une blague que les gens aimaient beaucoup faire dans le quartier. Ma grand-mère est venue avec sa canne et elle me frappait les fesses et elle me frappait le torse pour me redresser. Ça m’a fait vraiment prendre conscience que ce n’était pas quelque chose qu’on disait juste pour se moquer de moi, quelque chose qui n’existait pas, c’était quelque chose qui était là.
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La danse comme moyen d’expression
A l’adolescence, il se tourne vers la danse, un endroit où il peut s’exprimer librement, où il se construit et qui lui permet de sortir de sa citée pour aller à Paris. Avec des cours à Chatelet, proche du Marais, Kiddy Smile en profite pour se rapprocher des milieux LGBT parisiens. Ce sont ces escapades loin de Rambouillet qui lui permettent “d’accéder pleinement à [s]a sexualité”. La danse est son refuge, c’est un espace où il peut s’exprimer librement.
Quand j’ai trouvé la danse, j’ai trouvé quelque chose pour exprimer mon quotidien sans avoir à l’oraliser. Le fait de pouvoir m’exprimer m’a permis de me construire […] [J’ai découvert] le waacking, c’était une danse qui était dansée dans les clubs gays. Et c’était la première fois que je pouvais exprimer ma féminité sans avoir à dire qui j’étais. Je pouvais le faire sous couvert de la danse.
A la fois féminin et masculin
Aujourd’hui, c’est pour ses performances de vogueur que Kiddy Smile s’est fait connaître. Née dans les années 60 à Harlem, le voguing est issu de la culture noire, trans et LGBT. Cette danse permet à ces communautés de se réapproprier les codes hétérosexuels blancs et dominants. Le jeu avec les normes, le mélange des genres, c’est quelque chose qui lui correspond. Il aime être féminin et en même temps masculin. Certains jours davantage l’un, ou parfois plus l’autre, mais souvent les deux à la fois. Quand on lui demande ce qu’il pense de la virilité, la réponse est sans appel :
Pour moi, la virilité c’est stupide. Je pense que c’est un des restes de la patriarchie dans laquelle on vit qui nous impose de performer une sexualité ou un genre. Il y a la virilité et la féminité et il y a une hiérarchie. Il y a quelque chose de mieux et quelque chose de moins bien et ça, ça me dérange énormément. Pour moi, la virilité c’est comme des émotions. Aujourd’hui t’es content, demain tu seras triste, dans trois jours tu seras euphorique ou en colère. Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas être en colère et euphorique en même temps.
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Sa féminité transparaît dans les vêtements qu’il achète au rayon femme. Une manière pour lui de se “donner de la force”, de créer un impact “sans avoir à ouvrir la bouche”. Il défend le droit à la féminité pour les hommes, pour les femmes dans les banlieues. Il défend aussi les femmes et milite contre la misogynie.
Je pense que le plus gros problème du monde dans lequel on vit c’est la misogynie. C’est la part de féminité de l’homosexualité masculine que les gens haïssent dans l’homophobie. C’est ça. T’es un homme alors pourquoi tu voudrais te comporter comme une femme ? C’est ça qui les dérange. Et je pense que si on trouvait une solution au sexisme et à la misogynie, il n’y aurait plus d’homophobie tout simplement.
Un podcast où l’on parle aussi de la place de la féminité en banlieue, de la difficulté d’être noir en France, du regard des autres sur le surpoids, du pourquoi du surpoids ou de la première expérience de drag queen de Kiddy Smile. Si vous souhaitez en entendre davantage, vous pouvez retrouver l’intégralité de l’émission ici.
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