Avec Slutever, son blog décliné en version filmée, l’Américaine de 32 ans dédramatise le sexe avec humour, réflexion et légèreté.
Karley Sciortino est une salope. Elle le dit, elle le proclame même, allant jusqu’à forger l’expression “slutever” (“salope pour toujours”) dans une logique de réappropriation de l’insulte sexiste. Qu’est-ce qu’être une salope ? Pour quelle raison une femme ne pourrait-elle assumer, exposer, assouvir sa curiosité, ses désirs, ses fantasmes ?
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C’est l’idée motrice de son premier livre, Slutever – Dispatches from a Sexually Autonomous Woman in a Post-Shame World (“Slutever – Dépêches d’une femme sexuellement autonome dans un monde post-honte”), dans lequel elle retrace près de dix ans d’exploration sexuelle. Car Karley Sciortino est avant tout une gonzo-journaliste, avec un sourire aussi large que sa poitrine.
Une nouvelle Carrie Bradshaw pour les paresseux
On pourrait facilement, paresseusement, la comparer à son ancêtre Carrie Bradshaw, héroïne du livre et de la série Sex and the City, modelée sur son auteure Candace Bushnell. Toutes deux sont blondes, bien sapées, ont la petite trentaine, pas d’enfant, écrivent sur le sexe et vivent à New York. Si l’une démocratisait le coup d’un soir et le sextoy mais s’épanchait surtout sur le célibat féminin, l’autre s’est spécialisée dans le Cul avec un grand C.
Au mois de juin, Karley a discuté avec le réalisateur canadien Bruce LaBruce, deux camgirls, l’actrice et réalisatrice X Stoya et la dominatrice Amanda Lang. Elle explique pourquoi il est important d’investir dans le plaisir sexuel au même titre que dans un voyage, mais aussi comment bien faire l’amour pendant ses règles…
Le tout est à retrouver sur son blog slutever.com, qui “explore la sexualité, les relations, le féminisme pro-sexe, le BDSM, le travail du sexe, les fêtes sexuelles et un paquet d’autres trucs coquins racontés depuis la ligne de front”, annonce-t-elle en présentation.
Au-delà de sa capacité à nous faire découvrir les kinks les plus obscurs et les personnalités les plus fascinantes, c’est sa faculté à dédramatiser le sexe en se mettant à nu avec un humour désarmant et une légèreté rafraîchissante qui font de Sciortino la nouvelle papesse du sexe.
Son dernier post de blog commence ainsi : “J’ai une relation étrange avec mon tailleur. C’est un vieux Japonais petit et souriant qui parle à peine trois mots d’anglais mais avec qui je suis devenue ces dernières années, de façon imprévue, plutôt proche. Peut-être trop proche ? Il m’a doigtée, en gros. Bon… C’est compliqué.” Et de s’embarquer dans le récit rocambolesque de cette relation érotiquement chargée à base d’oubli de culotte sous une jupe à raccourcir.
Née d’une famille ultrareligieuse où le sexe est tabou
Rien ne la prédestinait à une telle voie, ou plutôt si, justement. Karley naît dans une famille ultrareligieuse à Highland, une bourgade de l’Etat de New York, où le sexe est l’ultime tabou. Après une école de théâtre à Londres, elle vit dans un squat à New York, découvre le monde du BDSM en assistant une dominatrice puis devient sugar baby. Ses aventures alimentent son blog, bien vite repéré par Vogue, qui lui offre en 2008 une colonne, “Breathless”.
Désormais, Karley en réalise une version filmée pour Viceland : la sexualité trans, les camgirls, l’écosexualité, l’amour défoncé, les robots, ou encore le fantasme des monstres (épisode dans lequel elle rencontre Lori Perkins, fondatrice de Riverdale Avenue Books, qui publie des romans érotiques mettant en scène loups-garous, dragons et autres chimères), tout y passe dans un savant mélange de théorie et de pratique.
Ses parents ont accepté son job, même s’il implique d’embrasser une actrice X sur le tournage d’un porno parodiant les mormons, dans l’un des meilleurs épisodes de sa série The Mormon War on Porn (2017).
Plus rien ne semble désormais arrêter Karley, qui a écrit les dix épisodes d’une nouvelle série, Now Apocalypse, avec Gregg Araki et Steven Soderbergh. L’histoire d’Ulysse et de ses trois amis en quête d’amour, de sexe et de gloire dans les vapeurs de weed de Los Angeles, prévue pour 2019.
“Le sexe, c’est fun et c’est l’objectif de Slutever, martèle-t-elle par téléphone. Ça ne doit pas être effrayant. Les conversations que nous avons aujourd’hui sur le sexe sont assez pesantes. C’est normal. Le mouvement MeToo dénonce le fait que la sexualité masculine puisse être prédatrice, surtout dans le cadre du travail. C’est une libération pour les femmes de pouvoir dire ‘ça c’est ok, ça non’. Mais tout en ayant ces discussions, je pense qu’il faut rappeler aux gens que le sexe n’a pas à être dangereux, qu’il doit être dédié au plaisir et à l’éclate.” Girls just wanna have fun !
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