“En Allemagne, la rhétorique guerrière du président français, guidée semble-t-il par des considérations de politique intérieure, suscite plutôt des réserves.” Interviewé par Le Monde, le philosophe allemand Jürgen Habermas, se prononce sur l’état d’urgence amorcé par François Hollande au lendemain des attentats du 13 novembre à Paris. “Cette décision ressemble à un acte symbolique permettant […]
« En Allemagne, la rhétorique guerrière du président français, guidée semble-t-il par des considérations de politique intérieure, suscite plutôt des réserves.” Interviewé par Le Monde, le philosophe allemand Jürgen Habermas, se prononce sur l’état d’urgence amorcé par François Hollande au lendemain des attentats du 13 novembre à Paris. « Cette décision ressemble à un acte symbolique permettant au gouvernement de réagir – vraisemblablement de la manière qui convient – au climat régnant dans le pays » énonce ce théoricien des sciences sociales, associé à l’école de Francfort.
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Le regard rétrospectif de Jürgen Habermas sur la guerre en Irak initiée par George W. Bush au lendemain des attentats du 11 septembre pointe la mise à mal des droits fondamentaux des citoyens de la société américaine engendrée par cette décision militaire, cette « guerre à la terreur » prise dans la précipitation.
Alors que François Hollande a décidé d’intensifier les frappes aériennes en Syrie, le philosophe soulève le principal danger qui menace la riposte de la France: commettre les mêmes dérives liberticides constatées outre-Atlantique causées notamment par « le Patriot act et l’extension fatale de la notion de combattant ennemi, qui a légitimé Guantanamo et d’autres crimes ».
« La société civile doit se garder de sacrifier sur l’autel de la sécurité toutes ces vertus démocratiques d’une société ouverte que sont la liberté de l’individu, la tolérance vis-à-vis de la diversité des formes de vie et la bonne disposition à adopter la perspective d’autrui” prévient Jürgen Habermas avant d’ajouter : “Nous pouvons considérer ces barbares comme des ennemis, et nous devons lutter contre eux, inconditionnellement ; mais, si nous voulons vaincre cette barbarie sur le long terme, nous ne devons pas nous leurrer quant à ses raisons, qui sont complexes. »
Pathologie sociale
Selon l’intellectuel dont l’œuvre philosophique s’attèle à concilier l’espace public et démocratie, Daesh exploite les blessures narcissiques et les pertes d’ambition partagées par plusieurs peuples. “Le djihadisme est une forme absolument moderne de réaction à des conditions de vie caractérisées par le déracinement. Attirer l’attention, dans un but préventif, sur une intégration sociale en panne ou sur une modernisation sociale défaillante, ce n’est naturellement pas exempter les auteurs de ces méfaits de leur responsabilité “personnelle » (…). Ces jeunes générations, lorsqu’elles échouent toutes les tentatives politiques, se radicalisent afin de regagner leur amour-propre. Tel est le mécanisme de cette pathologie sociale. Une dynamique psychologique semblablement désespérée, qui trouve là encore son origine dans ce défaut de reconnaissance, semble aussi faire de petits criminels isolés, issus des populations immigrées européennes, les héros pervers de commandos de tueurs téléguidés. »
« Le préjugé, la méfiance et le rejet de l’islam, la peur de l’islam, et la lutte préventive contre lui, doivent beaucoup à une pure et simple projection ». Le philosophe procède à une distinction entre Daesh et conviction religieuse dans le but de couper court à tout amalgame.
« Le fondamentalisme djihadiste a certes recours dans ses manières de s’exprimer à tout un code religieux ; mais il n’est en rien une religion. Il pourrait recourir, à la place du langage religieux qu’il utilise, à n’importe quel autre langage religieux, et même à n’importe quelle idéologie promettant une justice rédemptrice.«
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