Ancien infirmier, ancien journaliste et actuel vidéaste de talent, la chaîne “Dans ton corps” de Julien Ménielle est la première chaîne santé du YouTube francophone. Rencontre avec le vidéaste aux mille vies, qui s’est découvert youtubeur sur le tard.
Sa chaîne s’installe tranquillement parmi les valeurs sûres du YouTube estampillé “scientifique”, et va très bientôt atteindre les 450 000 abonnés. Avec Dans ton corps, Julien Ménielle se pose en guide du territoire qui nous est le plus familier et que nous connaissons pourtant si mal : notre propre corps. Comment fonctionne-t-il, à quoi est-il sensible, comment en prendre soin et prévenir ses éventuels dysfonctionnements ?
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« Les gens ont intégré tout un tas de bons réflexes. Mais ils ne savent pas forcément pourquoi il faut faire certaines choses. Expliquer aux gens pourquoi il faut le faire, c’est se donner une chance de plus qu’ils le fassent vraiment« , détaille-t-il en nous expliquant l’objectif qu’il se fixe à chaque vidéo.
On retrouve l’ancien infirmier au Black Dog, bar parisien du IVe arrondissement qui meuble le calme de ce jeudi après-midi avec une playlist 100% death metal mélodique. L’endroit idéal pour discuter avec celui qui, sous sa blouse blanche, cache toujours un t-shirt d’Anthrax ou de Slayer. Comme pour faire rayonner de façon subliminale son amour pour les musiques extrêmes, même lorsqu’il est en train de décrire les pires erreurs médicales de l’histoire ou le fonctionnement de la prostate.
Aujourd’hui, c’est un groupe français à l’honneur : Ultra Vomit. « Ça peut paraître étrange, mais j’ai l’impression de faire des vidéos comme Ultra Vomit fait du metal. Ce sont de très bons musiciens, qui font une musique qui s’écoute très bien, de super morceaux. Mais dans leur musique, il y a aussi cette envie de faire marrer avec une touche parodique« .
Le format podcast, avec modération
Vis-à-vis du secteur médical, Julien Ménielle n’est pourtant pas dans la parodie. Si les sujets qu’il aborde dans ses vidéos sont variés, tous ont leur importance, de la gueule de bois au cancer du sein en passant par l’insolation et la tourista. Mais au moment de se lancer sur YouTube en 2016, il choisit le format podcast, très utilisé par les humoristes du web. Des codes traditionnels de ce format déjà bien rodé à l’époque, il garde le décor fixe, un fond vert, et quelques plaisanteries qui viennent aérer son propos exprimé d’un ton décomplexé. « Je voulais surtout partir de ce que je savais faire« , se rappelle-t-il. Car sa chaîne YouTube n’est en effet pas son premier terrain d’expression vidéo sur internet.
« J’étais blogueur, j’adorais le web. Je voulais écrire des trucs, faire des vidéos, profiter de ce qu’offrait internet. Et à l’époque, pour gagner de l’argent avec ça, il n’y avait que le journalisme. »
Après avoir exercé le métier d’infirmier pendant plus de dix ans, Julien Ménielle décide en 2008 de tout plaquer pour rentrer chez 20 Minutes. Une nouvelle vie de journaliste dans laquelle il s’épanouit en gravissant les échelons, après être entré en tant que stagiaire à l’âge de 32 ans, pour rejoindre le pôle vidéo de 20 Minutes, pôle dont il va même devenir le rédacteur en chef. Au cours de sa vie de journaliste, elle aussi terminée, deux rencontres le marquent : Vincent Glad, « l’enfant chéri du journalisme web à l’époque » dont la présence lui permet « de catalyser » son affinité pour les sujets en rapport avec internet, et Cyprien, qui l’accompagne et le conseille au moment de lancer Dans ton corps.
Un journaliste fasciné par le web et ses créateurs
Alors que les plus connus des vidéastes français commencent à vaguement intéresser les rédactions des médias plus traditionnels, lui qui a vu grandir la première vague d’humoristes web français insiste en 2013 pour inviter Natoo, Norman, Cyprien et toute la bande du Zapping Amazing dans un live chat qui cartonne. Avant de lancer une série de vidéo qui questionne le rapport des créateurs à internet : Mon internet à moi.
« Quand j’ai rencontré Yvick (Mister V, ndlr), Natoo, Kemar, Jérôme Niel, ce n’était encore que des gens qui faisaient des vidéos dans leur coin sans penser en vivre un jour. Mais ça se sentait, ils étaient bourrés de talent. Ils avaient un truc en plus. »
Loin des questions gênantes sur les salaires des vidéastes et des interviews télé pleines de dédain, Mon internet à moi invite plutôt les créateurs à développer leur amour du web, de ses pépites cachées, de ses trésors parfois tordus et même de ses pratiques malsaines.
Des regrets d’Antoine Daniel qui confesse avoir déjà créé de faux comptes Twitter pour troller des personnes qu’il n’appréciait pas, à l’amour de Marion Seclin pour le court-métrage d’animation La Révolution des crabes (sorti sur YouTube en 2006, ndlr), en passant par la passion de FloBer pour les fameuses interviews de Tonton Marcel, créateur du site N-Da-Hood. Le tout mis en scène à travers un jeu de perspective singulier, simplement rythmé par quelques extraits et memes appartenant aujourd’hui au passé d’internet.
Passé de celui qui distribuait la parole à celui qui la prend en se lançant sur YouTube pour parler santé, Julien Ménielle revient plus récemment au format interview, en donnant sur sa chaîne la parole à d’autres intervenants. Comme lorsqu’il aborde le sujet des règles, dans une vidéo particulièrement bien écrite, où il est accompagné de l’auteure Jack Parker. Et pour lui, c’est une question de légitimité : « Ce n’est pas plus difficile pour moi de parler de sujets liés à la santé des femmes. Quand ce sont des sujets purement factuels, il n’y a pas trop de problème. A ceci près que je ne me sens pas forcément légitime, surtout quand c’est de l’ordre du vécu« .
Raconter le vécu à travers la santé, pour montrer qu’on peut s’assumer
Le vécu à travers la santé, c’est également ce que Julien Ménielle chercher à questionner avec une série de vidéos dans laquelle ses amis youtubeurs viennent parler de leurs particularités physiques, du problème de peau contraignant aux syndromes plus conséquents, voire très dangereux. Des récits forts, comme celui de Greg Romano à propos de son syndrome de Marfan, mais qui permettent également à une partie du public de s’identifier et, peut-être, de mieux s’accepter au quotidien avec des soucis de santé qui peuvent complexer, comme c’est le cas lorsque la youtubeuse Manon Bril vient parler de son psoriasis.
« Inviter des personnes connues pour parler de ces sujets, ça a aussi un impact sur la vision que les gens ont de ces problèmes de santé. Parce que ce sont des handicaps invisibles, et que les internautes qui suivent ces personnes ne sont pas forcément au courant de leurs particularités. Ça montre que c’est possible de s’assumer. »
L’homme qui s’asseyait sur Cyril Hanouna
Une particularité physique, Julien Ménielle a décidé de s’en infliger une bien plus banale sur le papier : un tatouage. Mais pas n’importe lequel. Au début de l’année 2017, donnant son corps à la science, c’est le visage de Cyril Hanouna qu’il se fait tatouer sur une fesse. Une faute de goût certaine, mais dans un but pédagogique. Car derrière la vidéo dans laquelle il met en scène sa séance de tatouage, Julien Ménielle prévoyait déjà de consacrer toute une série de vidéos aux techniques de détatouage au laser, comme il l’explique dans un making-of publié une semaine plus tard.
Tout au long de l’année 2017, ses abonnés ont donc pu le suivre à travers sa lente désillusion. Après cinq séances de laser, le visage de Cyril Hanouna est toujours bien visible sur son postérieur. « Avant de le faire, j’ai fait comme tout le monde, je me suis renseigné sur le net. Je me disais que je partais pour un an avant que ça s’en aille« . Et un an plus tard, les résultats sont loin d’être satisfaisants.
« J’aurais pu me contenter de la théorie, dire aux gens que comme les spécialistes disent que ça part en un an, ça part en un an. Et j’aurais eu tort, du coup. Donc ça valide l’idée d’avoir vraiment testé le truc« , avance-t-il en souriant, évoquant l’idée que le tatouage ne s’efface peut-être jamais. Auquel cas, un recouvrement est prévu. « Je n’avais pourtant pas prévu d’avoir un tatouage sur mon cul, mais bon…« .
Les choses ne se passent en effet pas toujours comme prévu. Mais mis à part cette mésaventure hanounesque, Julien Ménielle est le genre d’homme à faire les bons choix. Infirmier par défaut, lui qui se rappelle s’être présenté au concours presque par hasard, c’est pendant ses études qu’il se passionne pour le corps humain. Avant de devenir l’un des premiers journalistes français à s’intéresser sérieusement aux créateurs d’internet. Puis d’en devenir un lui-même, avec le succès qu’on lui connaît. Après avoir vidé deux bières et avant de se quitter, il détaille ses envies du moment, parmi lesquelles la fiction. « Logiquement, on me contacte souvent pour jouer un médecin. Mais j’adorerais jouer un personnage d’énorme enculé. Un type détestable« . Un important travail d’acteur à venir donc pour rentrer dans le rôle d’un personnage qui ne lui ressemblerait vraiment pas.
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