[Journaux de non-confiné·es] Pour le dernier épisode de notre série de témoignages de travailleur·euses non-confiné·es, Vincent, 35 ans, nous raconte son quotidien d’infirmier libéral et ses appréhensions face au déconfinement.
Pendant le confinement, mes journées n’ont pas vraiment changé : grâce à ma carte professionnelle, je pouvais sortir comme avant. Je n’ai pas arrêté de travailler car mes patients avaient toujours besoin de moi à domicile. Arrêter une prise en charge serait de la non-assistance à personne en danger. Certains salarié·es ont exercé leur droit de retrait ou ont démissionné. Dans ce cas, le poste est repris par un.e autre infirmiers·ères, mais ça ne fonctionne pas comme ça dans le libéral.
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“J’ai l’impression d’être au travail tout le temps.”
Je vois une vingtaine de patients par jour et me déplace en voiture. Quatre-vingt dix pour cent ont plus de 80 ans, donc je devais faire extrêmement attention, en privé également. Je porte un masque tout le temps, que je travaille ou pas, je me lave les mains sans arrêt chez moi, j’utilise le gel hydroalcoolique, je fais des machines à 60 degrés tous les soirs, j’ai l’impression d’être au travail tout le temps. Pendant la période de confinement, je n’ai vu personne. Je suis en couple donc je ne suis pas seul chez moi mais je n’ai vu aucun ami ou membre de ma famille. J’ai demandé à mon compagnon de suivre les mêmes gestes que moi, je ne peux pas prendre le risque d’être contaminé.
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Mes patients sont fragiles, âgés et ne sortent pas de chez eux, donc ils ne risquaient pas d’attraper le virus, à moins que je leur transmette. J’ai senti beaucoup d’angoisse chez eux, j’ai passé beaucoup de temps à leur expliquer ce qu’était le Covid-19, ils ont vu que je prenais beaucoup de précautions donc ça les a apaisés. Mais le sentiment d’isolement était soudain beaucoup plus fort, ça pèse beaucoup surtout chez les patients atteints de troubles psy, qui avaient besoin d’un soutien psy beaucoup plus fort.
“On risque de voir une hausse du nombre de contaminés dans les premières semaines.”
Au niveau de l’organisation des soins, j’ai décidé de ne pas prendre de nouveau patients pour éviter de contaminer les patients que j’avais habituellement. J’ai pris cette décision avant le confinement, dès que le virus s’est déclaré et que les hôpitaux ont commencé à être saturés, pour ne prendre aucun risque, ce qui veut dire que j’ai perdu pas mal d’argent.
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J’appréhende une seconde vague, peut-être pire que la première. Les hôpitaux ont bien raison de ne pas changer les services de contaminations. On risque de voir une hausse du nombre de contaminés dans les premières semaines, on en a bien pour quelques mois. Alors je reste sur ma lancée, je prends les mêmes précautions, ça ne me fait pas peur.
Retrouvez les précédents épisodes de la série :
Episode 11 : Journal d’un chauffeur de taxi non-confiné : “J’ai le sentiment de rendre service”
Episode 12 : Journal d’un coursier à vélo non-confiné : “Ça commence à être pesant”
Episode 13 : Journal d’une responsable de MSF non-confinée : “Cette crise creuse les inégalités sociales”
Episode 14 : Journal d’une vigneronne non-confinée : “On doit répondre aux demandes de la nature”
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