Joshua Wong est, et c’est le moins qu’on puisse dire, un personnage atypique. Cet activiste hongkongais de 23 ans publie La parole enchaînée (éd. Stock), un ouvrage dans lequel il raconte son parcours et son engagement politique dès son plus jeune âge.
Malgré son jeune âge, il dispose d’un parcours politique digne des plus grands. Joshua Wong est né en 1996 dans une famille chrétienne que l’on devine politisée – ses parents ont annulé leur fête de noces suite au massacre de Tiananmen en 1989 et manifestaient en 2003 contre un projet de loi sur la sécurité nationale. Contacté par les Inrockuptibles, il nous confie d’ailleurs que ces derniers lui ont permis de s’engager dans les affaires publiques en “le soutenant et en lui laissant un maximum de liberté”.
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La région de Hong Kong, ancienne colonie britannique rétrocédée à la Chine en 1997, est alors en pleine mutation et ses habitants tentent de se “tailler une place dans le monde et développer une identité” propre à la ville, comme l’écrit le jeune activiste.
Handicapé par une dyslexie, il ne fait pas forcément partie des élèves les plus brillants de son école, mais ne se gêne pas pour poser de nombreuses questions à son entourage. Très tôt, il développe donc des idéaux vis-à-vis de la société et du monde qui l’entoure. Au point d’écrire cette phrase, presque surréaliste : “Toutefois, à douze ans, j’ai marqué une pause dans mon engagement politique.”
D’une pétition contre la cantine à l’élaboration d’un groupe activiste
Cette pause n’aura finalement pas duré longtemps. A 13 ans, il met en place une pétition Facebook contre les lunch box “insipides, grasses et hors de prix” vendues par la cantine de son établissement avant de se rendre compte “qu’il y avait des sujets de plus grande importance”. Révolté par les injustices qu’il observe au quotidien – un cinquième de la population de Hong Kong vit alors sous le seuil de pauvreté –, il s’insurge de plus en plus contre le système politique et les actions mises en place par le gouvernement.
En octobre 2010, c’est le coup de grâce. Donald Tsang, alors chef de l’exécutif, annonce l’instauration d’un nouveau programme scolaire dont l’objectif est, selon Joshua Wong, de “fondre la première génération de Hongkongais dans le moule chinois”. Et pour le jeune lycéen, cela ne passe pas. Avec une bande d’amis rencontrés lors de manifestations antigouvernementales, il crée Scholarism, un groupe de jeunes activistes visant l’abandon du projet.
En mai 2012, plus de 10 000 membres ont rejoint le groupe et continuent les actions coup de poing. Non sans une certaine fierté, Joshua Wong aime à se comparer à Peter Parker. “A l’image de l’alter ego de Spider-Man, j’allais au lycée pendant la journée et courrais combattre le mal après les cours”, écrit-il.
Quelques mois plus tard, à force de mobilisations, de manifestations massives – avec parfois plus de 120 000 citoyens -, de grèves de la faim et de discours, le combat des jeunes étudiants finit par payer. Le 8 juillet, Leung Chun-ying, alors nouveau chef de l’exécutif, annonce la suppression du programme.
Figure de la “Révolution des parapluies”
Si le mouvement récolte un succès certain, il est tout particulièrement apprécié des jeunes Hongkongais. Joshua Wong ne cesse d’ailleurs de répéter qu’il appartient à une génération nouvelle, celle qui est “venue au monde pendant l’événement politique le plus important de l’histoire de Hong Kong”, écrit-il.
Celle qui ne cesse de se battre pour plus de démocratie. Pour preuve, le “mouvement des parapluies”, initié par le groupe Occupy Central with Love and Peace (OCLP) puis repris par Scholarism et deux autres groupes étudiants en septembre 2014, afin d’instaurer le suffrage universel à Hong Kong. Après deux semaines de manifestations réunissant plusieurs milliers de citoyens, Joshua Wong appelle la foule à occuper Civic Square, avant de se faire arrêter et placer en garde à vue pendant 46 heures.
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Pendant ce temps, les manifestants – dont le nombre avait été multiplié par dix pour atteindre près de 200 000 personnes -, devaient faire face aux gaz lacrymogènes utilisés par la police antiémeute. C’est ce qui incita le professeur Tai, du groupe OCLP, à annoncer le commencement officiel d’“Occupy Central”, un mouvement non-violent qui durera 79 jours et qui fera la une des journaux nationaux et étrangers. Pour Joshua Wong, cela “montre également le pouvoir du peuple hongkongais” qu’il estime “particulièrement engagé dans les affaires publiques depuis 2014”.
Condamné à 6 mois de prison à 21 ans
Trois ans plus tard, le ministère de la Justice inculpe Joshua Wong et deux de ses amis activistes, Nathan Law et Alex Chow, pour « rassemblement illégal ». En août 2017, ils sont condamnés en appel à des peines de six à huit mois de prison ferme. Ils y resteront finalement quelques semaines, avant d’être libérés sous caution.
Incarcéré le mercredi 16 août à la prison de Pik Uk, Joshua Wong y écrit des lettres, de manière régulière, dans lesquelles il raconte son quotidien : ses conditions de détention, la faim, l’ennui, le peu d’accès à l’information, le manque de ses proches et de ses activités politiques… Mais il relativise. D’une part, car certains activistes ont obtenu des peines plus lourdes et, d’autre part, car il considère que “l’emprisonnement politique est un passage obligé sur le chemin de la démocratie”.
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Entre-temps, Scholarism est devenu Demosistō, le “parti politique de la jeunesse”, représenté par Nathan Law. Malgré des débuts difficiles, ce dernier obtient alors “plus de cinquante mille voix” lors de l’élection du Conseil législatif du 4 septembre 2016, faisant de lui, le plus jeune législateur de Hong Kong. C’était sans compter sur le gouvernement qui, quelques mois plus tard, intentait une action en justice contre six législateurs – dont Nathan – qui avaient profité de leur sermon pour effectuer une déclaration politique. En juillet 2017, la Cour le destitue de son statut de législateur et exige le remboursement de son salaire.
Bientôt, une “nouvelle guerre froide” ?
Aujourd’hui, loin de baisser les bras, et malgré une certaine fatigue qu’il nous confie au téléphone, Joshua Wong continue la lutte. A 2019, il s’engage, aux côtés des centaines de milliers de manifestants, contre l’accord de transfert de fugitifs vers la Chine proposé par le gouvernement puis, de manière plus globale, pour plus de transparence et de démocratie dans l’ancienne colonie britannique.
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Il devient le porte-parole du mouvement en allant témoigner devant la Commission exécutive du Congrès américain sur la Chine (CECC). A cette occasion, il demande au Congrès d’adopter la loi sur la protection des droits de l’Homme et la démocratie à Hong Kong. Cette dernière sera acceptée quelques mois plus tard, signe de “l’importance de la région vis-à-vis du reste du monde” d’après l’activiste.
Si Joshua Wong reste positif quant à la mobilisation de la nouvelle génération à travers le monde pour plus de démocratie citoyenne, il s’inquiète pour l’avenir de Hong Kong dont le principe « un pays, deux systèmes », construit avec l’accord de rétrocession en 1997, devrait prendre fin en 2047. “Une nouvelle guerre froide se prépare entre la Chine et le reste du monde démocratique, et Hong Kong se trouve être la ligne de front de l’une des premières batailles”, écrit-il dans son livre.
Espérant tout de même que la région administrative devienne “un modèle international de résistance”, il développe un plan d’action à la fin de son livre. Demandant l’aide de la communauté internationale, il appelle ses lecteurs à respecter ce dernier, de manière à “contrer la dégradation des valeurs démocratiques” dans le monde entier.
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