Le dessinateur et photographe, récemment décédé, a fondé Colt Studio en 1967 spécialisé dans le X. Touche-à-tout génial, il u a développé un univers gay provocante et überviril.
Jim French, décédé le 16 juin à 84 ans à Palm Springs (Floride), était un esthète. Un Caravage du porno gay a priori pas destiné à créer un empire du X.
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A ses débuts, French réalise des dessins érotiques d’hommes hyper masculins : des soldats TTBM (très-très-bien-montés), des motards à tétons turgescents, des lutteurs au fessier dodu. Les mêmes archétypes übervirils et homoérotiques qui naissent sous la pointe d’un autre dessinateur récemment célébré au cinéma : Tom of Finland.
Une comparaison que French ne goûtait pas : “J’ai toujours pensé que mon travail et celui de Tom of Finland était comme les pommes et les oranges – il faisait son truc et moi le mien. C’était le même sujet mais l’approche était complètement différente”, confiait-il dans une rare interview accordée au magazine gay The Advocate, en 2004.
Très vite, ses dessins deviennent cultes. Chez les homosexuels et parfois au-delà. Une de ses illustrations, Longhorns Dance, représentant deux cow-boys se faisant face et se touchant du bout de la bite, atterrira même, en 1975, sur un T-shirt de la boutique Sex de Malcom McLaren et Vivienne Westwood à Londres.
Dans l’Amérique de Nixon, les menaces de poursuite pèsent encore
Sans le savoir (et bien sûr sans avoir touché un sou sur les ventes), French deviendra l’auteur d’une des illustrations-clés du punk anglais, régulièrement arborée sur scène par Sid Vicious. En 1967, il fonde le studio Colt avec son petit ami de l’époque, Lou Thomas, figure de la scène cuir new-yorkaise. Leur business : vendre des magazines et des calendriers d’hommes à poil en toute discrétion. Dans l’Amérique de Nixon, les menaces de poursuite pèsent encore sur les wannabe pornocrates.
Un souci maniaque de la composition
Dès son lancement, le dessinateur se procure l’un des premiers boîtiers Polaroid. Finis les problèmes de développement en labo, souvent source de démêlés avec la justice pour le moindre poil pubien dépassant d’un jockstrap.
Les Polaroid de French sont provocants mais toujours sublimes. Avec un souci de la composition qui confine à la maniaquerie, French s’inspire des grands maîtres de la peinture. Avec d’autres artistes comme Bob Mizer, Bruce of L.A. ou George Platt Lynes, il posera les jalons décisifs d’un érotisme masculin dont les disciples seront Robert Mapplethorpe, Bruce Weber ou encore Herb Ritts.
Les ”Colt Men” ont vocation à faire bander les gays
“J’ai toujours dit à mes modèles : à moins que vous n’envisagiez de vous faire élire pape, aucun de vos prédécesseurs n’a jamais eu de problèmes dans sa carrière professionnelle à cause de mes photos.” Il faut dire qu’avant internet, ce type d’images n’avait qu’une existence underground.
Velus, moustachus, quasi-exclusivement blancs, arborant des bras surpuissants, des dos hypertrophiés et des buissons pubiens sauvages, les modèles de French sont des supermachos sexuellement libérés qu’il transforme en équivalents masculins et homos des pin-up. Parmi eux : Pete Kuzak, Ben Cody, Steve Kelso, Gordon Grant…
En 1984, le photographe croise la route de John Pruitt. Hétérosexuel, cet ancien nageur devenu culturiste, au corps parfait, devient sa muse. Si les ”Colt Men”, surnom donné aux modèles du studio, ont vocation à faire bander les gays des années 1970-1980, ils forment aussi une réponse au cliché de l’homosexuel faible et efféminé.
Les bases d’un porno viril, encore d’actualité aujourd’hui
Au début des années 1970, le photographe s’offre une caméra Super 8. Ses films se font bien vite explicitement pornographiques. A contrecœur, d’ailleurs. Car, pour cet amoureux des images fixes, le son et le mouvement “tuent” le fantasme. Mais libèrent des torrents de sperme.
« La pornographie m’ennuie », assurait-il
La période est aussi heureuse que lucrative. Le porno connaît un âge d’or et les homosexuels, même fortement discriminés, vivent une parenthèse enchantée. Les films Colt sont projetés dans les sex-shops, les cinémas X ou vendus à prix d’or aux particuliers.
Les premiers films de Jim French jettent les bases d’un porno viril qui hantent encore aujourd’hui l’industrie du porno gay. “Je vois mon travail comme de l’érotisme. Pas du porno. La pornographie m’ennuie”, assurait-il pourtant à The Advocate.
En 2003, il vend son studio à John Rutherford, ancien p-dg des studios de X gay Falcon, et disparaît sur la pointe des pieds. “Si mon travail touche un public plus large une fois que je serai mort, je n’en aurais rien à faire”, s’amusait-il à répéter.
livre Jim French Diaries – The Creator of Colt Studio de Jim French (Bruno Gmünder), en anglais, 336 p., 39,99 €
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