Jim Acosta, correspondant en chef à la Maison Blanche pour CNN, est au coeur d’une nouvelle polémique entre Donald Trump et les médias. Retour sur un personnage haut en couleur.
Jim Acosta, de son nom complet Abilio James Acosta est ce qu’on appelle un journaliste-vedette. Depuis l’élection de Donald Trump, le correspondant en chef de CNN à la Maisoon Blanche s’est fait remarquer par ses prises de paroles polémiques à l’égard du gouvernement, de sa politique et du rapport de celui-ci aux médias. Le dernier événement en date semble avoir poussé plus loin encore les limites de la violente tension s’exerçant entre la Maison Blanche et les médias.
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Retour d’accréditation
Jim Acosta a refusé, lors d’une conférence de presse donnée par le président Donald Trump à la Maison Blanche, de rendre le micro. Il questionnait alors le président au sujet de sa politique migratoire. Le ton est très vite monté entre les deux hommes. À la suite de cet incident, son accréditation a été révoquée et CNN, appuyée même par la chaîne d’information favorite de Trump, Fox News, s’apprêtait à poursuivre devant la justice la présidence, faisant de l’affaire une remise en cause de la liberté de la presse et du 1er amendement de la constitution des États-Unis, qui garantit la liberté de culte, d’expression, de la presse et de manifester.
We stand by our decision to revoke this individual’s hard pass. We will not tolerate the inappropriate behavior clearly documented in this video. pic.twitter.com/T8X1Ng912y
— Kayleigh McEnany 45 Archived (@PressSec45) November 8, 2018
L’accréditation de Jim Acosta lui a été rendue à titre provisoire vendredi 16 novembre, puis définitif lundi 19. Le juge de Washington D.C. saisi en urgence pour l’affaire, Timothy Kelly, a estimé que la présidence n’avait pas suivi la procédure. Le magistrat a précisé qu’il s’était prononcé sur la forme et pas sur la question de fond : l’atteinte, ou non, au 1er amendement de la constitution.
Au-delà de cet incident, le reporter de CNN à la tignasse grisonnante et la mâchoire carrée qui lui vaut d’être parfois comparé à Georges Clooney, apparaît comme un journaliste téméraire, allant sur le terrain et n’ayant pas peur de contredire directement et publiquement jusqu’au président de la République, Donald Trump comme Barack Obama. Correspondant principal de CNN à la Maison Blanche, puis correspondant en chef depuis janvier 2018, Jim Acosta est devenu une figure turbulente de la scène politique américaine.
Attaques publiques de Donald Trump
Le choix de cette nomination à la tête de la plus prestigieuse fonction du journalisme télévisé américain s’inscrit dans le rapport conflictuel de CNN avec l’actuel locataire de la Maison Blanche. Ce conflit a éclaté au grand jour dès la première conférence de presse du président Donald Trump en janvier 2017. Il refusa catégoriquement de donner la parole au correspondant de CNN, qui levait la main, assis au premier rang, le qualifiant de « fake news » et affirmant que la chaîne qu’il représentait, « [puait] ».
Par la suite, le journaliste s’est employé à dénigrer les représentants successifs du président républicain. Le premier porte-parole de la Maison Blanche, Sean Spicer, a ainsi été jugé comme « à peu près inutile », tandis que Stephen Miller, le conseiller politique de Donald Trump, se vit prodiguer une leçon d’histoire en direct.
Les tensions entre le reporter vedette et la présidence ont atteint leur sommet au cours de l’été 2018. Après que Donald Trump a désigné l’ensemble des journalistes comme des « ennemis du peuple », Jim Acosta a pris à partie sa porte-parole Sarah Huckabee Sanders lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche, avec la ferme intention d’obtenir une confirmation ou une infirmation des propos du président.
La bête noire des collaborateurs de Trump
La conversation s’est tenue en des termes virulents. Mise au pied du mur et après avoir rappelé les attaques ad hominem, réelles et déplorables, dont elle avait été la victime de la part de certains médias, Sarah Sanders a rappelé la position du président « quant aux médias » : « [il] pense qu’ils portent une part de responsabilité. Nous soutenons totalement une presse libre. Mais il y a dans cette affaire un certain niveau de responsabilité ».
Un personnage haut en couleur
Que ce soit au nom de la liberté d’expression, ou de la défense des jeunes migrants séparés de leurs familles par l’administration Trump, Jim Acosta s’en prend au président pour des causes faisant consensus parmi les libéraux et même une partie des républicains. Sa méthode, en revanche, jugée tapageuse et non nécessaire par certains collègues de The Atlantic, du Washington Post, ou parmi les correspondants à la Maison Blanche (d’après le New York Times), fait l’objet de nombreuses critiques de part et d’autre de l’échiquier politique. Il fut ainsi désapprouvé par ses pairs lorsqu’il interrompit, en interpellant le président, le jour de Pâques 2018, une cérémonie traditionnellement calme en présence d’enfants dans les jardins de la Maison Blanche.
Here’s Jim Acosta yelling at Trump about DACA while the president colors with Barron, Melania & children gathered at the White House pic.twitter.com/JCPsaREe8A
— Benny Johnson (@bennyjohnson) April 2, 2018
Des coups d’éclats réguliers
Jim Acosta est coutumier de ces coups d’éclats. Il avait interpellé le président Obama en des termes rigoureux au sujet de la non intervention des États-Unis sur le terrain contre Daech en 2015.
https://www.youtube.com/watch?time_continue=75&v=ueMDJ38W1oE
« Pourquoi ne nous occupons-nous pas de virer ces bâtards ? », avait-il demandé, provocateur, au président, qui avait alors répondu en des termes courtois et pédagogiques, mais fermes.
Un reporter vedette
Au cours de sa carrière, Jim Acosta s’est construit, auprès du grand public, une image de provocateur audacieux, osant risquer sa carrière et, parfois même, sa vie. Après des études à l’université de James Madison en Virginie il arpente le pays pour différentes stations radios et chaînes de télévision locales. Il travaille ensuite 4 ans pour la chaîne nationale CBS, pour laquelle il couvre notamment la guerre en Irak, se rendant à Bagdad, et l’ouragan Katrina dans une Nouvelle-Orléans dévastée.
À CNN à partir de 2007, il devient l’un des plus éminents spécialistes politiques de la chaîne, acquérant une notoriété auprès du grand public par sa participation répétée aux programmes du week-end. C’est ainsi qu’il couvre les primaires démocrates qui voient l’élection de Barack Obama en 2008 et devient, en 2012, correspondant politique national de la chaîne. Après les élections présidentielles de la même année, il entre comme correspondant principal de la chaîne à la Maison Blanche.
Le correspondant en chef de CNN
Il n’a pas hésité, dans un contexte d’ouverture de l’administration Obama vers Cuba, à jouer de ses origines cubaines par son père pour couvrir l’actualité, brulante, d’alors. Se rendant à Cuba en 2009 puis en 2016, lors de la visite du président Obama sur l’île, accomplissant à la fois son travail de journaliste, et médiatisant, par ses comptes des réseaux sociaux, l’aspect plus personnel et intime de ce retour au source empreint de danger. Son père ayant fui le régime castriste en 1961, il risquait en effet la prison.
Une personnalité controversée
Attirant l’attention sur sa personne, Jim Acosta est devenu l’objet d’actes parfois violents et même de menaces de morts depuis avril 2018, venant des supporters fidèles de Donald Trump. Il a pu constater cet été que la condamnation par le président de CNN et de sa personne ont des conséquences concrètes sur les militants de ce dernier. Son équipe et lui ont été pris à parti à la fin d’un meeting par une troupe de supporters les huant avec véhémence.
Just a sample of the sad scene we faced at the Trump rally in Tampa. I’m very worried that the hostility whipped up by Trump and some in conservative media will result in somebody getting hurt. We should not treat our fellow Americans this way. The press is not the enemy. pic.twitter.com/IhSRw5Ui3R
— Jim Acosta (@Acosta) August 1, 2018
À l’autre bout du spectre politique américain, un rédacteur de The Atlantic, une revue aux tendances libérales affirmées, Todd S. Purdum, a pris la plume le 7 août dernier, pour critiquer la manière de faire, jugée grandiloquente, de Jim Acosta. À ses yeux, le correspondant de CNN entretien le cercle vicieux de la critique du journalisme à sensation qui ne fait pas, ou mal, son travail et qui permet à Donald Trump de condamner l’ensemble de la profession. En somme, il prête le flanc aux partisans de Trump persuadés que les médias leur mentent. Le rédacteur du magazine déplore ainsi que « les attaques de Acosta troublent la ligne entre le reportage et la performance, entre le travail et la guerre, à un moment où les journalistes ont plus que jamais l’obligation de montrer que ce qu’ils font est réel, a une conséquence sur la réalité et n’est pas qu’une part d’un spectacle éphémère ».
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