Dernier bastion de cette tradition surannée, les maisons de couture de luxe régalent les Catherinettes avec des chapeaux haute-couture et une avalanche de cadeaux griffés. Qui n’est pas mariée à 25 ans doit arborer un chapeau le 25 novembre. C’est en peu de mots le concept de la Sainte-Catherine, une coutume un peu idiote qui vise à […]
Dernier bastion de cette tradition surannée, les maisons de couture de luxe régalent les Catherinettes avec des chapeaux haute-couture et une avalanche de cadeaux griffés.
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Qui n’est pas mariée à 25 ans doit arborer un chapeau le 25 novembre. C’est en peu de mots le concept de la Sainte-Catherine, une coutume un peu idiote qui vise à faire des célibataires autant de targets visibles pour les hommes du village. Si cette tradition quasi-millénaire semble un brin dépassée, il y a encore une corporation qui se délecte de ces couvre-chefs jaunes et verts, supposés symboliser l’innocence et l’espoir de fonder un foyer. Ce corps de métier là, c’est celui de la mode.
Si ça peut paraître bizarre pour une corporation incarnant l’avant-garde, il n’en reste pas moins que les modeuses haute-couture tiennent à la tradition. Ainsi, pour toutes les petites mains de l’industrie, les vendeuses, les stylistes, les chefs de produit, et les parfumeuses, le 25 novembre est un jour férié. Mieux : celles qui fêtent leur quart de siècle se voient courronnées d’un chapeau griffé par “leur” maison. Ainsi attifées, les Catherinettes défilent le jour de la Sainte-Patronne dans les salons de la mairie de Paris face aux maisons concurrentes. Elles ne sont pas seules à porter les couleurs de leur employeur : quelques “Nicolas”, des garçons célibataires de 30 ans, viennent généralement se greffer au défilé.
Lundi 25 donc, près de deux cents jeunes gens, salariés d’une vingtaine de maisons de couture, se sont pressés sous le plafond mordoré du salon Lobau avec leur coiffe bicolore. Il y avait les capelines-casquettes de chez Kenzo, les casques à plume rigolos de Sonia Rykiel, les cloches fleuries de muguet de Dior, les chapeaux-charlotte imposants de Givenchy, ou, plus minimalistes, les noeuds Alexander Wang de Balenciaga. Chez Chanel, on distingue les Catherinettes par divisions : celles qui bossent pour le secteur mode portent des tricornes bombés ou des capelines façon Scarlett O’Hara, les autres (cosmétiques, marketing…) arborent d’énormes canotiers fleuris.
Chez Lanvin, puisque seules huit employées ont fêté leurs 25 ans cette année, chacune a eu droit à sa coiffe personnalisée par la maison. Amanda porte un large chapeau plat jaune, excentrique mais élégant, illustrant son panache espagnol. Soizic, un drôle de demi-haut de forme dont le sommet est fait de fourrure synthétique jaune – “comme le poil de mon chien” –, sourit le modèle. Marie-Victoire a hérité d’un diadème serti de brillants, parce qu’elle “travaille au studio bijoux” et qu’elle aime “ce qui est précieux”.
Elles se marrent toutes en énonçant les qualités que Lanvin leur prête, préférant y voir un gentil clin d’oeil de la part de leurs managers plutôt qu’une évaluation des RH. “Les Catherinettes, c’est plus vraiment un bizutage, c’est surtout l’occasion de rencontrer toute l’équipe, explique Marie-Victoire. Vendredi dernier, on a fait une soirée au pavillon Gabriel où l’on nous a remis les chapeaux. On a vraiment l’impression de faire partie de la boîte”.
Celles qui décrochent un contrat avant leurs 25 ans font donc leur entrée dans la société façon bal des débutantes. Et la maison le leur rend bien. Une Catherinette qui connaît bien Dior raconte la fête 2012 au pavillon Dauphine : “Certaines filles ont reçu pour 10 000 euros de cadeaux des mains de Bernard Arnault, (propriétaire de LVMH, à qui appartient Dior – ndr) et de Sydney Toledano, le PDG. Il y en a une qui a eu deux sacs, deux paires de chaussures, une robe, un foulard, et un porte-feuille. Le tout suivi d’une grosse soirée open Ruinart”.
Décadentes, les Catherinettes haute-couture ? “On leur offre quelques cadeaux oui, le chapeau, un parfum et des accessoires”, évacue rapidement Philippe Le Moult, directeur des relations institutionnelles chez Dior, qui accompagne les 70 Catherinettes de la maison. “C’est surtout une fête fédératrice où les jeunes filles sont à l’honneur”.
“Aujourd’hui, c’est le défilé de ceux qui ne défilent jamais. Vous êtes le back-office de la mode”, répond en écho Lyne Cohen-Solal, adjointe au maire de Paris, chargée d’ouvrir le défilé. Les Catherinettes marchent bras dessus bras dessous, certaines explosent de rire, d’autres, timides, font l’aller-retour au plus vite. Il y a les maisons qui ont des légions de célibataires (Dior, Chanel), et celles qui n’en ont qu’une : Léonard, Cacharel ou encore Alexis Mabille. “L’année prochaine, on sera trois” rigole le créateur, venu accompagner Sarah, coiffée d’un sublime bibi.
Les écoles de stylisme défilent à leur tour et c’est déjà l’heure de la photo dans l’escalier d’honneur. Les 47 Catherinettes Chanel se précipitent au bas des marches, les 70 de Dior se glissent en enfilade contre la balustrade. Les dernières restent tout en haut et le photographe s’énerve. “Mademoiselle, vous avez une culotte, non? Asseyez-vous sur le marbre faut faire de la place”. On sourit avec Lyne Cohen-Solal et c’est déjà fini.
Dior et Chanel se précipitent dehors direction le théâtre des Champs-Elysées pour se faire un concours du plus beau chapeau. Les autres se rassemblent autour du bar, leur coiffe dans une main, une flûte de champagne dans l’autre. Les Catherinettes refont le match : “Non mais attends c’est sûr que Dior a répété, t’as vu les passes qu’ils se faisaient ? T’as des guidelines c’est obligé. L’année prochaine, on coachera les nouvelles”. Vivement la compet’ 2014.
Mathilde Carton
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