Les concepteurs du très japonais Yakuza partent à la conquête du monde occidental avec Binary Domain. Pari à moitié gagné, mais l’intérêt subsiste.
Binary Domain est, entre autres choses, un jeu-symptôme. Confrontés à la fois aux limites de leur marché intérieur et à la hausse des coûts de production, les éditeurs japonais sont de plus en plus nombreux à repenser leurs jeux dans l’espoir de séduire les foules mondialisées. Capcom a été l’un des premiers à se lancer, confiant la suite de Dead Rising à un studio canadien (pour un résultat très chouette) ou optant pour une occidentalisation à outrance du second Lost Planet (qui, le pauvre, y a perdu son âme). S’il est une équipe de développement que l’on voyait mal suivre cet exemple, c’est bien celle de Yakuza, saga royalement nippo-centrée et distribuée avec parcimonie hors du Japon.
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http://youtu.be/q5wPiJSCFes
Pourtant, voilà Masayoshi Kikuchi et Toshihiro Nagoshi partis défier le blockbuster US Gears of War sur ses terres, celles du jeu de tir « à la troisième personne » (notre alter ego est visible à l’écran), de la camaraderie militaire blagueuse et de l’action hollywoodienne musclée. Il est piquant de voir comment l’intrigue du jeu redouble la logique de sa conception : un commando international armé (des Américains, des Anglais, une Chinoise) pénètre au Japon, comme en écho aux concepts ludiques « étrangers » introduits dans Binary Domain.
Dynamisme et sens de l’espace
Les fans du genre ne changeront pas leurs habitudes, s’abritant derrière un mur pour reprendre leur souffle et jonglant avec leurs flingues selon la situation. Le jeu se distingue cependant par l’interrogation qui le traverse, entre Blade Runner et Ghost in the Shell : où se situe la frontière entre la vie et la technologie ? Cela passe par son monde de science-fiction peuplé d’androïdes plus vrais que nature et par la possibilité de dialoguer (à la manette ou par la voix) avec nos acolytes virtuels – dont les réactions, voulues quasi humaines, se révèlent très robotiques. Cela rejoint, aussi, la question de l’état du joueur virtuose qui fait corps avec la machine.
Malgré son dynamisme et son sens de l’espace, Binary Domain n’est pas tout à fait à la hauteur de son propos. De fusillades spectaculaires en interludes cinématiques ou semi-touristiques, il donne le sentiment d’un jeu en morceaux, hétérogène, instable. Mais c’est aussi ce qui fait son prix : quelque chose résiste à l’uniformisation mercantile, un esprit arcade, un enthousiasme de cour de récré. Qui vaut bien toutes les guerres du jeu vidéo moderne.
Erwan Higuinen
Binary Domain sur PS3 et Xbox 360 (Yakuza Studio/ Sega), environ 50 euros
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