Rencontre avec la porn star Jessie Andrews, qui, à 20 ans, envisage déjà sa reconversion. Vous avez dit étoile filante ?
Il y a quelques jours, la porn star “adolescente” américaine Jessie Andrews (toujours délicat de traduire teen en français) était de passage à Paris pour un dj set au Carmen. Pas encore 21 ans et déjà 150 films à son actif, un AVN (les oscars du porn) de la meilleure actrice en 2011 mais surtout une double carrière dans la musique depuis quelques mois, puisqu’elle est dorénavant dj et remixeur. A peine deux ans et demi de carrière et déjà la reconversion ? Pas si simple que ça.
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Rares sont les filles à véritablement faire carrière dans le milieu du porno ; combien de Sasha Grey ou de Katsuni pour des milliers de filles aussi vite oubliées qu’apparues, dans une industrie cynique qui prête plus attention à ses revenus qu’à gérer des plans de carrière ? Réalité encore plus dure pour les hommes, qui après des années de bons et loyaux service à tenir fièrement leur gaule, restent parfois totalement inconnus du grand public (qui pourtant connaît bien leur attribut).
Jessie Andrews, quant à elle, est vite sortie du lot. Physique de girl next door, bouille de teen éternelle et un penchant pour la performance qui lui a valu d’être récompensée pour Portrait Of A Call Girl, un des rares films scénarisés (Featured films) de l’année 2011 et à être remarquable par ses qualités de réalisation. Un film qui s’achève tout de même par une scène de blowbang (un gang bang de type sexe oral) particulièrement “intense” ou la petite Jessie finit littéralement souillée par plusieurs hommes, ce qui dans le contexte scénaristique du film laisse un peu perplexe.
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Entre son innocence de façade et ses perfomances, Jessie Andrews transpose à l’écran cette réflexion de Georges Bataille dans L’Erotisme (1956) :
“Ce dont il s’agit est de profaner ce visage, sa beauté. De le profaner d’abord en révélant les parties secrètes d’une femme, puis en y plaçant l’organe viril. Personne ne doute de la laideur de l’acte sexuel. (…) Mais plus grande est l’angoisse – à la mesure de la force des partenaires – et plus forte est la conscience d’excéder ses limites, qui décide un transport de joie.”
Mais alors qu’elle était plutôt bien lancée dans sa carrière porno, elle a décidé en novembre dernier de ne faire plus que du lesbien, pour ralentir :“Si je continuais l’hétéro, je n’aurais plus le temps de mixer, je ne favorise aucune des deux carrières, je veux que ce soit 50-50”, nous dit-elle. Des propos étonnants qui flirtent avec la langue de bois, sachant que se consacrer exclusivement au lesbien est souvent signe d’une reconversion. Moins de scènes, moins bien payées (son agent porno demande d’ailleurs moins d’argent pour la faire tourner que son agent musique pour la faire jouer) et moins d’intérêt pour l’industrie porno.
Une reconversion plus facile aux Etats-Unis qu’en France
Une reconversion qui n’en est pas vraiment une, puisqu’elle aborde plusieurs carrières en même temps (elle est également créatrice de bijoux) mais aussi parce que le porno a évolué et que l’idée de reconversion se fait plus en douceur aux États-Unis qu’en France, comme nous l’explique Anna Polina, actrice chez Marc Dorcel, croisée pendant la soirée.
“Aux États-Unis, il y a possibilité de se recycler après, en France il y a un vrai tatouage social. Là-bas, on est reconnu en tant que personnalité, on t’invite sur des plateaux intéressants, ici c’est Cauet qu’on te propose pour montrer tes seins.”
Puis poursuit que le porno est avant tout un choix de vie, et non une carrière par défaut : “Après, ce n’est pas forcement quelque chose de mauvais, je suis très fière de faire du X et je l’assume clairement.”
Se diversifier pour mieux exister ?
À mesure que le porno est rentré (profondément) dans la société et que cette industrie, en voyant ses revenus baisser, a dû mettre de côté l’idée de véritable porn star comme on l’entendait autrefois (tapis rouge, starification et inaccessibilité), les filles de ce milieu ont dû s’adapter et utiliser le porno comme un tremplin pour leur carrière personnelle. Sasha Grey a depuis longtemps tourné la page du X mais jouit d’une furieuse popularité et s’en sert à bon escient, Stoya (autre star du milieu) peut se permettre de ne tourner qu’un ou deux porno par an pendant que les acteurs, en véritable stakhanovistes du sexe, enchaînent des centaines de tournages.
Le cas de Jessie Andrews, par sa jeunesse et son contrôle, est révélateur d’une nouvelle génération qui assume sans complexe le porno sans que cela porte préjudice à leur image. D’un côté du porno hardcore, de l’autre une carrière de dj émérite (loin des clichés de cette discipline dans les pays de l’est par exemple, où l’on demande plus de montrer ses seins que de passer de la bonne musique — elle cherche d’ailleurs en ce moment un label pour sortir son premier titre).
Reste à savoir si la crise que traverse cette industrie ne pousse pas par défaut ces filles à arborer plusieurs casquettes afin de se diversifier pour mieux exister. Mais l’amour que porte Jessie à la musique est bien réelle. Du porn à la musique, de la musique au porn, un choix de vie et des envies, symbole d’un porno qui n’est plus subversif et s’assume entièrement.
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