La victoire de Jeremy Corbyn à la primaire du parti travailliste a exprimé un rejet des élites en Grande-Bretagne. Aux Etats-Unis, les outsiders font aussi la course en tête dans les sondages.
Vous ne connaissez pas Bernie Sanders ? Rassurez-vous, l’immense majorité des Américains non plus. Pourtant, depuis le 10 septembre, cet ancien hippie de Brooklyn, impénitent gauchiste du Parti démocrate, est devenu la dernière sensation politique.
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Plusieurs sondages d’affilée le situent en effet devant Hillary Clinton dans les deux premiers Etats qui devront voter pour l’investiture démocrate à l’élection présidentielle de 2016 : l’Iowa et le New Hampshire.
Une victoire avec 60 % des suffrages
Le “Bernie qui ?” de la presse et de la nomenklatura américaines fait autant peine à lire que le “Corbyn quoi ?” de la presse et des élites britanniques lorsque ce dernier a commencé à écraser ses adversaires pour le leadership du parti travailliste.
On connaît désormais la suite : le 12 septembre, Jeremy Corbyn l’emportait avec près de 60 % des suffrages dans cette première primaire ouverte organisée par le Labour. C’est-à-dire trois fois plus de voix qu’Andy Burnham, arrivé second.
La claque pour les barons travaillistes est à la mesure de leur mépris envers Jeremy Corbyn : magistrale. Ces happy few du travaillisme pensaient que les vieilles recettes éculées de gauche, c’était pour les “pays du Club Med” : Espagne et Grèce.
Eviter un énième match Bush-Clinton
Je fais le pari que les huiles démocrates aux Etats-Unis, toutes rassemblées derrière Hillary Clinton, sont en train de suer à grosses goutes. Au Royaume-Uni, comme aux Etats-Unis, les mêmes causes sont pourtant en train de produire les mêmes effets.
Aux Etats-Unis, c’est la perspective de devoir arbitrer un énième match Bush-Clinton qui pousse les électeurs à placer en tête Donald Trump et Bernie Sanders. En Grande-Bretagne, c’est une révolte “anti-Oxbridge” qui a abouti à l’élection de Jeremy Corbyn.
Oxbridge est la contraction d’Oxford et de Cambridge, les deux universités de l’élite britannique. Seuls les conservateurs de David Cameron revendiquaient ouvertement leur appartenance à ce club sélect qui combine école privée et universités de prestige.
Seul candidat à n’être pas issu d’Oxbrige ? Jeremy Corbyn
Inutile d’aller plus loin que le simple comptage : un peu moins de 60 % des ministres conservateurs sont issus d’Oxbridge. De la même façon, plus de la moitié des députés conservateurs ont été inscrits dans une école privée.
Le Labour, pour sa part, parvenait à marquer la différence, puisque seuls 10 % des députés travaillistes ont effectué leur scolarité dans le privé. C’est dix fois plus que la population britannique, mais l’honneur et le passé ouvriériste du Labour étaient saufs.
Jusqu’à la primaire ouverte de 2015. Car tous les candidats qui se sont présentés aux suffrages des militants travaillistes étaient issus d’Oxbridge. Tous, sauf Jeremy Corbyn : il en a habilement joué auprès des jeunes qui, pour beaucoup, ont fait son élection.
Une génération Y plus politisée qu’on ne le croit
En Grande-Bretagne, comme en France ou dans l’Europe du Sud, ce sont les jeunes qui sont les premières victimes de l’austérité. Avec ce particularisme qu’en Grande-Bretagne les frais de scolarité des universités ont flambé pour atteindre 9 000 livres par an.
La domination d’Oxbridge, même chez les travaillistes, a paru insupportable à cette jeunesse qu’on endette. Or, contrairement à ce que des sociologues paresseux ont pu écrire, la génération Y ne se prélasse pas dans des sofas en avalant des séries américaines et de la junk food : elle est très politique et déteste qu’on préfabrique pour elle le monde qui vient.
Partout, elle saisit les occasions qu’on lui laisse (primaires partisanes, manifestations de rues, militantisme associatif) pour anéantir les plans de carrière de leurs aînés, qui avaient tout calculé, tout planifié. En Grande-Bretagne aujourd’hui, en France demain ?
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