Outre un premier album solo, To Love Is to Live, la leadeuse de Savages Jehnny Beth sort C.A.L.M., un recueil de récits et de photographies érotiques avec son producteur et compagnon, Johnny Hostile.
Vous sortez un recueil de récits et de photographies érotiques. Comment est née cette idée ?
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Johnny Hostile — De mes photographies !
Jehnny Beth — Ses photos m’ont inspiré l’écriture.
J. H. — Abattre un mur, il n’y a rien de plus sain. J’en ai besoin dans ma vie. Je m’amuse comme un gamin. Le problème, c’est que l’enfant a du mal à mettre ça dans le monde des adultes. J’ai une peur naturelle, mais à deux je n’ai plus peur.
L’intérêt pour l’érotisme a-t-il toujours été présent chez vous ?
J. H. — Ça s’est concrétisé quand on s’est rencontré·es. J’en ai toujours eu envie, mais je n’en avais pas les capacités mentales.
J. B. — Tout change à partir du moment où tu peux tout dire.
J. H. — Elle a pu me dire qu’elle était bisexuelle, qu’elle avait besoin de voir des femmes. Je me suis demandé qui j’étais pour le lui interdire. J’ai toujours voulu cette ouverture.
“Ce n’est pas parce qu’on est jaloux·se qu’on a raison” – Jehnny Beth
Vous n’avez pas eu peur que cela signifie la fin de votre couple ?
J. B. — Challenge, oui, fin, non. Il y a une force énorme à donner la liberté à l’autre. C’est tellement rare. il y a très peu d’hommes qui ont fait ce chemin. On est conditionné·es à se sentir en danger. A partir du moment où on sort des codes, des cadres ancestraux du romantisme qui nous disent sans arrêt que la jalousie fait partie de l’amour, que c’est normal… La jalousie est difficile à combattre, mais il n’est pas obligé qu’elle soit l’élément qui domine. Ce n’est pas parce qu’on est jaloux·se qu’on a raison.
Depuis mes 8 ans, j’ai vécu énormément d’angoisses. Ado, j’ai totalement refoulé ma bisexualité. Ensuite, je suis passée de l’autre côté, mais j’avais l’impression que quoi que je choisisse, ma vie était un mensonge. C’est une torture qui m’a isolée des autres. Ça a provoqué mon départ à Londres, à 15 ans. Pouvoir l’avouer après des années d’angoisse et que la réaction en face soit très calme, intelligente…
https://www.youtube.com/watch?v=Y7ZpPsaMNMM
Aimez-vous malgré tout les définitions ? Vous dites que vous êtes un “couple libre”, par exemple.
J. H. — J’aime bien que les choses soient définies, mais j’aime l’idée que la normalité, on la trouve là ou on veut.
J. B. — Le mot “bisexualité” m’a libérée. il est arrivé dans ma conscience il n’y a que quatre ou cinq ans alors que je vivais une vie bisexuelle. C’est une façon de ne pas se sentir en flottement. Sinon, c’est un coup à le refouler, à mal vivre sa sexualité. C’est trop d’années de perdues.
“Pour moi la femme sexy c’était Brian Molko !” – Jehnny Beth
Vous n’avez pas peur de vous perdre ?
J. H. — C’est la racine pour toute forme d’anxiété. On ne sait pas ce qu’il va se passer, donc ça ne sert à rien d’imaginer les pires scénarios possibles. Nous, on est tombé·es amoureux·ses l’un de l’autre par notre connexion intellectuelle. On a aimé notre amour de la parole, de la communication.
Ado, c’était qui pour vous, l’incarnation féminine et/ou masculine de l’érotisme ?
J. H. — Kim Basinger, dans 9 Semaines 1/2, et même Mickey Rourke dans le film…
J. B. — Pour moi, la femme sexy, c’était Brian Molko !
https://www.youtube.com/watch?v=6uVbU-nCi2I
Votre premier émoi érotique ?
J. B. — Des trucs d’exploration, vers 8 ans. En secret, entre filles.
J. H. — Je devais être en sixième, une fille me laissait des mots sous la table dans la classe, ultra-érotiques. Pour moi, l’érotisme était donc déclenché par l’action d’une femme. Je n’étais pas avancé sexuellement… Elle voulait qu’on se voie pour faire des trucs de cul. Ça m’a obsédé. Je ne pouvais pas y aller, j’étais trop petit. Mais érotiquement parlant, ça m’a réveillé.
Quel rapport avez-vous au porno ?
J. H. — J’en consomme depuis longtemps. J’ai toujours été assez intrigué par le truc, de manière adolescente dans un premier temps. Après, j’ai commencé à m’y intéresser un peu plus. J’ai vraiment une culture porno. Je peux parler des acteur·rices, des réalisateur·rices. J’ai beaucoup communiqué cette culture à Jehnny, et ça a donné Hit Me de Savages…
“La pornographie, avec tous ses défauts, a eu des niches, des endroits éducatifs” – Jehnny Beth
J. B. — …Qui est sur la pornstar Belladonna. Mon rapport est occasionnel. Je ne suis pas contre. Quand je l’ai découvert, ça m’a libérée. C’est le seul endroit où je voyais des femmes faire des éjaculations féminines. Je ne savais même pas que ça existait.
Je me souviens d’un documentaire sur Vanessa del Rio, l’une des premières pornstars portoricaines, où elle parlait du porno de manière décomplexée. De mes 15 à mes 25 ans, je cherchais mon propre plaisir. Et les actrices porno m’ont permis de m’éduquer sur le sujet. Quand j’ai écrit sur Belladonna, j’avais des fans féministes qui ne comprenaient pas. Mais qui d’autre nous apprend le sexe ? Nos parents ? L’Eglise ? La pornographie, avec tous ses défauts, a eu des niches, des endroits éducatifs. Le porno intelligent n’est pas une norme, c’est sûr. Tu ne le trouves pas en tapant “gros nichons” sur Pornhub.
Le sexe s’apprend donc ? Il n’est pas intuitif ?
J. B. — Si on ne se base que sur l’intuition, on est voué·es à l’échec, car on ne dissocie pas l’amour du sexe. On ne se base que sur le sentiment. Si on arrive à avoir une gymnastique plus flexible, on peut accéder à des choses qui sont de l’ordre du fantasme, de l’imaginaire.
J. H. — Chez Jehnny, il y a une recherche de travail, même dans le sexe, dans l’intime.
J. B. — On a peur du sentiment, de ce qu’il veut dire. Il y a l’idée que si on aime quelqu’un, on ne peut pas ressentir de l’attirance pour quelqu’un d’autre.
J. H. — Il y a une peur de l’attachement. Du sexe sans sentiments, j’en ai vu et vécu, c’est vraiment ce qu’il y a de pire. C’est ça, un mauvais coup !
Fétichisez-vous une partie du corps ?
J. H. — J’ai une obsession pour le cul ! Toutes les fesses ! Ensuite, les yeux. Une fesse qui me parle et de beaux yeux, c’est un gros win.
J. B. — Chez les femmes, les jambes. J’aime la peau. Chez les hommes, le cou, les clavicules. Et le sexe, évidemment.
Avez-vous grandi avec un fantasme ?
J. H. — Je fantasmais des scénarios du héros blessé avec la femme qui vient le soigner.
J. B. — Quand j’étais petite, une fois les lumières éteintes, je transformais ma chambre, dans ma tête, en appartement dans lequel je vivais seule en attendant mon amant. En général, ça se finissait dans ma douche imaginaire. C’était un fantasme de l’homme sans visage.
“A mon époque, ‘Kids’ de Larry Clark, 1995 m’avait foudroyé” – Johnny Hostile
Une musique sexuelle ?
J. H. — Donna Summer !
J. B. — Un de mes premiers souvenirs de musique sexuelle ça serait Prince. Cream ! Un truc de fou, surtout les vidéos.
J. H. — On a eu Gainsbourg en France quand même… Quand j’étais petit, Lemon Incest passait à la radio. Je détestais ce morceau tellement il me mettait mal à l’aise. Depuis, je n’ai plus aimé Charlotte Gainsbourg. Elle m’est antipathique.
https://www.youtube.com/watch?v=rrbFQEcpJ3A
Comment va le sexe en 2020 ?
J. H. — Je pense qu’il va bien. Il y a des discussions très intéressantes qui se créent. Il y a Sex Education. Des murs tombent. A mon époque, Kids (Larry Clark, 1995) m’avait foudroyé. Je m’étais fait dépuceler deux semaines avant sa sortie en France et sans capote. Ensuite, j’ai vu le film… et je n’ai pas dormi jusqu’à mon test.
Et toi Jehnny, quel souvenir de la première fois ?
J. B. — Je voulais que ça se fasse. J’ai trouvé quelqu’un en qui j’avais confiance. C’était respectueux et simple. Rien d’extraordinaire.
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